Adorer Allah.

Adorer Allah.

« Je n’ai créé les djinns et les humains que pour qu’ils m’adorent » (Coran 51 v.56)
Le verset commence par ce rappel : Il est Le Créateur, Seul et Unique, toute création Lui étant contingente.
Allah, subhanahu wa ta‘ālā, n’a pas choisi le terme « croyants » ou « musulmans » pour désigner ceux qui doivent l’adorer, mais un terme général qui englobe toutes les catégories : « les humains », al-ins. « Les humains » place cette vérité indépendamment de toute notion de foi ou de connaissance religieuse. Tous les êtres, qu’ils soient ou non croyants, qu’ils en soient ou non conscients, sont soumis à sa Son adoration du fait même qu’ils ne sauraient exister hors Sa Volonté. Qu’elle le veuille ou non, toute créature est vouée à adorer Allah, subhānahu wa ta‘ālā, dans le sens où chacune de ses respirations, chacun de ses battements de cœur, chaque élément nécessaire à son maintien en vie provient de La volonté divine. Ainsi est établie la Vérité : « Je n’ai créé les djinns et les humains que pour qu’ils m’adorent ».

En l’exprimant dans le Coran, Allah, subhānahu wa ta‘ālā, a voulu que cette vérité soit révélée aux croyants. C’est la preuve qu’Allah, Rabbunā, souhaite que cette adoration soit conscientisée, vécue et recherchée par le croyant. Ce dernier ne peut plus nier le sens de son existence : adorer Allah. Dès lors il n’aura de cesse de mettre en œuvre une adoration qui soit agréée. En ce sens, l’Islam peut être vu comme l’expression des modalités de dévotion qui siéent au Créateur. Tout en faisant connaître aux humains le sens de leur existence, Rabbunnā leur a parfait l’Islam pour les guider dans leur adoration.

Cette adoration commence par l’obéissance aux prescriptions divines ; elle se poursuit par la connaissance de Ses Noms et Qualités ; elle se renforce par l’excellence du comportement, al-Ihsān, jusqu’à ce que le souvenir d’Allah devienne permanent. « Mon serviteur n’a de cesse de se rapprocher de Moi par des œuvres surérogatoires, jusqu’à ce que Je l’aime. Et quand Je l’aime, Je deviens l’ouïe avec laquelle il entend, la vue avec laquelle il voit, la main par laquelle il saisit et le pied avec lequel il marche ».

Quel que soit le niveau de proximité, quelle que soit la puissance de l’appel spirituel, chacun est amené à réaliser le rapprochement qu’Allah souhaite pour lui. Que l’adoration se limite aux respects des obligations et des interdits ou bien qu’elle soit vécue consciemment à chaque souffle qui exhale de la poitrine, prime par-dessus toute la sincérité et la pureté de l’intention que le serviteur met dans ses actes. Le meilleur chemin consistera alors à s’orienter dans le licite et à répondre à l’appel divin à la hauteur de l’intensité qui vibre dans nos cœurs.

C’est à ce chemin d’adoration que Le Prophète n’eut de cesse d’exhorter « les humains » (à une époque où bien peu étaient musulmans). Non pas qu’Allah, al Qayyum, ait besoin d’être adoré, mais parce en tant que reflet du Miséricordieux, Le Prophète souhaitait que chaque âme se réalise à son plus haut degré de lumière divine. Sallā Allahu ‘alayhi wa sallam.
Allah est plus savant. Nous implorons Son pardon et espérons en Sa Miséricorde.

Votre dévoué, Sofiane (Muqaddam de la Tariqa Madaniyya à Lyon).
04 -08-2018.

Tafsir du Cheikh al-Madani

Tafsir du Cheikh al-Madani

Nous avons l’honneur de vous annoncer la parution de ce nouvel ouvrage : Exégèse soufie de Shaykh Mohamed al-Madani qui contient des commentaires sur la sourate al-Fātiha, al-Wāqi‘a et al-Nour; en plus de 40 autres versets épars.

Cet ouvrage contient des passages manuscrits, édités pour la première fois. Plusieurs parties ont été traduites en français. De même, il est précédé d’une double introduction (en arabe et en français) sur les caractéristiques du tafsīr allusif dont le Cheikh al-Madani est un véritable maître.

The 20 attributes of Allah (Sifāt Allāh).

The 20 attributes of Allah (Sifāt Allāh).

The first joy that every Muslim should enjoy is to know his Lord (sovereign master), Allāh, subhānahu wa ta‘ālā. We can not adore Allah, profess the faith or claim Islam without knowing, understanding and believing in Allah’s Sifāt (divine attributes). The expression « sifāt » is the plural of « sifa » that refers to the attributes and the properties that characterize Allah, subhānahu wa ta‘ālā . Muslim theologians have been ingenious in extracting these « sifāt » from the Qur’an and the Sunnah. This reflection was elaborated by the great scholar and skilful Abū al-Hasan al-Aš’arī. who has devoted himself to clarify the aqīda ( the Islamic creed ) in which every Muslim must believe. This highbrow says that Allah, subhānahu wa ta’ālā, has 20 « main » attributes. Other attributes branch out from it. Generally , these attributes mean that Allah is exalted and above all imperfection unworthy of his Transcendence.

Like all Sunni ways, the madaniyya way is based on the work of this scholar and advocates for all Faqir to know, understand and strongly believe in these « Sifāt ». For this reason they have classified them into four categories:

I – Essential attribute (Sifa Nafsiyya):

1 – The existence (al-Wujūd). Allāh is the Existent par excellence. Everyone must believe that there is no doubt about His existence. Allah says : « There is no doubt about the existence of Allah » (Ibrahim v 10).

II – Negative attributes ( sifāt Salbiyya ):

1- Without beginning (Eternal/ eternity) (Azal): Allāh existed without beginning. That means the pre-existence which characterized him, without point of beginning. No one could imagine a temporal beginning to the existence of Allah. He says, « He is the first and He is the last », (Surat al-Hadid, v. 3).

2- Endless (Abad): Allāh will exist endlessly. It is the All-Eternity that characterizes him. No one could imagine a temporal end to the Existence of Allah. « And your Lord will remain, owner of Majesty and Honor. », (Surat Ar-Rahman, v. 27).

3- Non-likeness to his creatures (Mukhālafa li-l-hawādith): Allāh differs from all His creatures. No one could imagine any resemblance to the things created. He does not resemble to his creatures in so far as he does not resemble any of His creatures, neither in his Selfsame , nor in His attributes, nor in His deeds. Allah says, « There is nothing like unto Him « , (Surah Ach-Shura, v. 11).

4- He is subsistent (not in need) (al-Ghina): Allāh is self-sufficient. He does not need anything or anyone. Allah does not need anything from His creatures however they all need Him Allah says: « Allah is the one whose creatures need », (al-Ihklās, v. 2).

5- Unique (al-Wahdāniyya): Allāh is Unique. No divinity exists with Him. He has no partner in divinity. He is unique by Himself, by His attributes and by His deed. Allah says : « Say : He is Allah, Unique » (Surat Al-‘Ikhlās, v. 1).

III – Positive attributes (sifāt ma’ānī) :

Their number is seven :

1- Omniscience: Allah knows all about everything. Nothing escapes His Science . Allah says, « He knows all things », (Surat Al-Baqarah,)

2- The Will: Everything in this world exists by the will of Allah. Allah says, « And you do not will except that Allah wills  » (Surat At-Takwīr, v. 29).

3- Omnipotence: Allah is able to do everything. Nothing is difficult for Him (hie is potent) . Allah says, « Surely his power has no limits. » (Surat Al-Baqarah, v. 20).

4- The Life : Allah is alive without soul nor flesh nor heart. His life does not looks like our life. And He is « Al-Hayy » the Living One and He does not die. Allah says, « Allah, there is no god but Him, the living One, the One who does not annihilate », (Surat Al-Baqarah, v. 255).

5- Hearing: Allah hears all that is audible without ear or any other organ or tool Allah says: « He is the hearing, the seeing », (Surah, Ach-Shura, c. 11).

6- The sight : Allah sees all that is visible without an organ or tool. Allah says : « He is the hearing, the seeing », (Surah, Ach-Shura, c. 11).

7- The Word : Allah speaks without tongue or organs. His word does not translate into any human language. It does not look like those of humans. Allah says : « Surely, Allah spoke to Musa » (Surat An-Nisa , v. 164).

IV- The involved attributes (sifāt ma’nawiyya):

These are the 7 inherent attributes . They are necessarily involved by the seven preceding (previous) 2Attributes. For example, life implies that Allah is alive. It is indeed unthinkable to imagine a Divine Attribute without Allah being qualified; as it is inconceivable to think of the Will without Allah being Wanting.

This reasoning applies to the other seven Attributes.

1- Omniscient : He knows everything and no one escapes His Omniscience.

2- Wanting: He wants everything; All is the product of His Will.

3- Omnipotent : He has the power to do everything.

4- Living : He lives of a Life that goes beyond human understanding, without beginning or end. 5- Hearing : He hears everything audible.

6- Seeing : He sees everything visible.

7- Speaking : He speaks of a word that differs from human speech.

Rapportes-tu de Laylā un récit véridique

Rapportes-tu de Laylā un récit véridique

1. Rapportes-tu de Laylā un récit véridique ? Fais m’en part ; afin que cesse ma perplexité.

2. Rafraichis mon cœur par la douceur de ses paroles ! C’est un breuvage qui vivifie les os (morts) et les ressuscite.

3. Le pacte qui me lie à Elle est le « Pacte ancien » 1. Après l’avoir conclu, je n’ai jamais délaissé la Voie de l’union.

4. Même si je sais à tous égards que, offrant mon âme en dot, mon amour ne saurait encore égaler l’amour (qu’elle mérite).

5. Son reflet, auparavant me rendait visite ; de Son éclat, des beautés apparaissaient librement.

6. Désormais, mon œil se plaint de son éloignement. (Son image) ne vient plus. Qu’a donc-t-elle à s’esquiver ?,

7. Est-elle aussi maintenant avare de son image? Un obstacle est-il apparu ! Mon faible cœur ne pourra endurer.

8. Dis-moi et qu’Allah te protège, se détourne-t-elle ? Ou est-ce un prétexte afin que ne soit rendue légitimement plus possible toute figuration d’elle !

9. Du visage de Laylā, s’éclaire la face du soleil ; en toute chose elle se développe, évoluant vers la parfaite beauté.

10. Aux horizons, Contemple (et médite sur) de belles lignes! , (car) A l’intérieur du soleil même, les regards des gens sont abusés ?

11. Elle s’est voilé seulement en ôtant son voile ; le contemplant 2, du fait de sa proximité même, ne peut voir !

12. Et par ma vie ! Considérant toute chose, je ne peux autrement dire que : « Emerveillement, ne voilà-t-il pas que le dévoilement est lui-même recouvrement ? »

Rapportes-tu de Laylā un récit véridique ?

Introduction:

Dans cette douzaine de vers, Shaykh Muhammad Al Madani fait écho à ceux d’un des autres grands maîtres de la Voie Shadhiliyya, le successeur direct de Sidi belHassan, shaykh Abu Abbas al Mursî.

En cela il s’inscrit dans la suite des Connaissants qui font état à leur sujet d’un apparent abandon par l’objet de leur contemplation amoureuse. Apparent, car il n’est évidemment pas question d’une régression spirituelle mais, tout au contraire, d’un « couronnement » dans une perspective de réalisation de type Muhammadienne, donc totale et universelle, réalisation régie par le verset :

مَا وَدَّعَكَ رَبُّكَ وَمَا قَلَىٰ – 93:3
Ton Seigneur ne t’a ni abandonné, ni détesté.
Disons-le d’emblée, le texte présenté est difficile tant au niveau du fond que de la forme.


Quant au fond, doctrinalement très dense, nous sommes au cœur même de la question : La contemplation de l’Essence Divine est-elle possible ?, si oui Qui contemple qui ? , si non quel est Son voile ?

Questions ardues s’il en est, pour lesquelles il est impossible de donner des réponses à la fois nettes et définitives, tant elles dépendent de la juste compréhension de la dualité « contemplant – contemplé » et de ses limites. En effet, selon les points de vue où l’on se place, cette dualité peut : être ou ne pas être, être transitoire ou permanente, illusoire ou réelle, et même revêtir un statut particulier : transitoire ET permanente, illusoire ET réelle.

Ce poème ouvre donc les portes des lieux infinis où se déploient les mystères de l’Essence divine, Principe des principes, Cause des causes. Il utilise pour cela – comme beaucoup avant lui- la figure de Layla, la belle jeune fille, bien connue dans la triste histoire de la passion amoureuse qu’elle suscite en Qays. Qays, qui deviendra par la suite le « fou de Layla – Majnun »- car cet amour sera, pour de multiples raisons, impossible.

Je t’aime, ô ma Laylâ, je m’acharne à t’aimer,
Toi qui, de près, de loin, ne penses qu’à me fuir !
Je t’aime, ô ma Laylâ, et le moindre soupir
De cet amour, cueilli dans le vent, respiré,
A l’âme des passants arracheraient des plaintes.

Cette histoire d’amour – définitivement rattachée au patrimoine culturel arabo-islamique – a pu aussi bien naître d’un amour profane ou courtois, mais les maîtres de l’Islam Intérieur ne se sont pas privés de l’utiliser pour imager, en des sentiments pouvant traduire cette expérience indicible, les rapports particuliers qui les lient à l’Essence Divine.

Par le biais de sa précieuse expérience, le shaykh y montre la Voie opérative pour réaliser : « après avoir été, ce que nous étions avant d’être », en donnant à tous, les précieuses indications permettant de supporter le poids de cette « connaissance » et d’en user en vue du Bien.

Afin de servir de support à la compréhension de ce poème, nous citerons comme sources traditionnelles, entre autres, Muslim, qui rapporte le hadîth : « Certes Allah ne dort pas et il ne lui sied pas de dormir. Son Voile est lumière ; s’Il le retirait, les gloires fulgurantes de Sa Face consumeraient tout ce qui serait atteint par Son Regard »

Dans un autre Hadith à la question d’un compagnon l’interrogeant « As-tu vu ton Seigneur ? » le Prophète ﷺ répondit : « Lumière, comment le verrais-je ? (نورٌ انَّى أراهُ-) » et l’émir abd al Qadir al jazairi fait remarquer dans son « livre des haltes » qu’à cette même question, le Prophète ﷺ aurait répondu à un autre de ses compagnons qu’en effet il l’avait bien vu, ce qui est admis de la tradition ésotérique commentant le verset 53-17 la vue n’a nullement dévié ni outrepassé la mesure (En référence au « Signe le plus grand parmi les signes»). Les contradictions sur la possibilité de voir ne sont donc contradictoires qu’en apparence.

Shaykh al Madani exploite dans ce poème toutes les ressources que la langue arabe – langue sacrée – offre. Ainsi utilise-t-il des mots relativement rares pour apporter des nuances que l’on est loin de pouvoir toutes interpréter et qui ne sont pas seulement dictées par l’impératif poétique.

Par exemple pour désigner la face d’une chose le mot courant est wajh, qu’il appliquera à l’Essence totalement inconditionnée, mais pour désigner la face du soleil symbolisant l’Etre en tant que principe second, il utilisera le mot tal’at طَلْعَة (Apparence, aspect, face, faciès) qui appartient au champ sémantique du soleil puisque de cette racine on désigne le lever d’un astre et en particulier le soleil طلوع الشمس , mais avec une nuance d’aspect (le faciès : face, mais vue avec un jugement, donc dans la vision d’un autre) ce qui lui permettra de respecter la hiérarchie des principes symbolisés.

Il va également jouer sur l’homonymie (même son pour des signifiés différents). Ainsi dans un des vers il opposera la racine SHH ص ح ح , qui désigne ce qui concerne la guérison, la bonne santé et par extension l’authenticité, la validité, la régularité, la véracité, à la racine ‘ L L علل qui au contraire évoque la maladie, la défectuosité mais aussi l’excuse, le prétexte, le motif. Le verbe à la VIII forme إعتَلَّ et بِ ه إعتَلَّ pourront signifier (à la particule bi près qui est omise ici) : «être malade, indisposé » ou « prendre comme prétexte », les deux acceptions donnant sens, l’un (que nous avons privilégié), plus fin que l’autre, permettant de dégager des perspectives « positives » .

Layla, objet de la Quête Suprême.

Vers : « Du visage de Laylā, s’éclaire la face du soleil ; en toute chose elle se développe, évoluant vers la parfaite beauté. »

ومــن وجه ليلى طلعة الشمس تستضي * وفي كل شــــــــــــــــــيء للجمال تطوّر

Comme chacun sait, L’Essence des essences est Layla – en arabe « la nuit »- évoquant l’obscurité, mais une obscurité non par manque de lumière mais par excès même de lumière. Obscurité Sur-lumineuse qui ne peut être vue parce qu’en définitive c’est elle qui fait voir. Obscurité au-delà de la Lumière, car Unité en laquelle toute chose demeure synthétiquement et sous un mode de perfection, exempt de toute trace d’existence (la lumière étant assimilée à l’être).

Point sans espace où se situer, antérieur à la distance qui apparaîtra lorsque -selon l’éternel désir de cette Essence UNE d’être connue- en se « dédoublant », il se placera face à Lui pour se contempler Lui-même. La vision-connaissance que cette Essence a d’Elle-même est l’archétype primordial de l’Amour sous toutes les formes susceptibles de le personnifier. Connaître Laylâ c’est l’aimer ; l’aimer, c’est la connaitre.

Même si le verbe تطور , V forme de la racine T W R évoquant l’idée de « période, phase, stade de développement », signifie « se développer, évoluer, changer, se modifier, se transformer », il est bien évident -dans l’absolu- qu’il n’est aucunement question d’évolution en tant que changement d’état pour l’Essence. Cette « évolution » ne peut être conçue que comme un retour à un état principiel qui n’a jamais été quitté, car c’est une « procession » qui s’accompagne inéluctablement d’un mouvement de retour (WA ILA ALLAH AL MASIR) à l’Un où, de façon permanente (atemporelle), résident toutes choses en l’état de repos et de BEAUTE absolue (للجمال ), au-delà de l’opposition [sortie du Principe – Retour au Principe].

En effet, il s’agit bien du « Soi » tel que l’expose le shaykh abd al wahid Yahya. Principe jamais individualisé, immuable, dont toute chose ou essence particulière n’est, selon l’image bien connue du reflet du soleil dans l’eau, qu’une modification contingente ne l’affectant en aucune façon.
Layla transcende (au-delà du lotus de la limite) l’Etre même -principe de tous les possibles « étants »- au point qu’on ne saurait dire d’Elle qu’elle est (et pourra-t-on voir ce qui n’est pas !).

Toutes choses, manifestées ou non manifestées, toute multiplicité, participent de Son Unité à partir de laquelle elles procèdent et se déploient en Elle, et dans lesquelles Elle demeure, en tant que « rien », telle qu’Elle.

La « face de Layla » correspond au HUWA transmigrant qui est évoquée par exemple dans les awrâd d’Ibn Arabî : « Dans la manifestation et dans l’occultation, dans l’infiltration universelle du secret gardé, il y a une Ipséité qui se propage et en même temps des théâtres éclatants : Etre et Non Etre, Lumière et Ténèbres, Ouïe et surdité, Table et Calame, Ignorance et Science, Guerre et Paix, Mutisme et Parole, Soudure et Rupture, Vérité essentielle et Vérité totale,
occultation insondable du Sans-commencement et perpétuité du Sans-fin.»

في الظُّهورِ وَ البُطونِ وَ سَرَيانِ السِّرِ المَصونِ هُوِيَّةٌ سارِيَّةٌ وَ مَظاهِرٌ بادِيَّةٌ ، وُجودٌ وَ عَدَمٌ، نورٌ وَ ظُلَمٌ، سَمْعٌ وَ صَمْمٌ، لَوْحٌ وَ قَلَمٌ، جَهْلٌ وَ عِلْمٌ، حَرْبٌ وَ سِلْمٌ، صَمْتٌ وَ نُطْقٌ، رَتْقٌ وَ فَتْقٌ، حَقيقَة حَقٌّ، غَيْبوبِيَّةُ أَزَلٍ دَيْمومِيَّةُ أَبَدٍ

Voir le reflet de Layla !

Vers : « Son reflet auparavant me rendait visite ; de Son éclat, des beautés apparaissaient librement. »

Le shaykh utilise ici la racine arabe طاف pour signifier l’apparition d’une chose en rêve. Le substantif طيف ج أطياف désigne : « Apparition, fantôme, ombre, spectre, vision ». Il s’agit bien d’une « tierce -chose», qui s’interpose entre la réalité de la chose et son témoin.

Il s’agit de visions théophaniques dans lesquelles Allah, qui est comme on le sait sans forme ni modalité, se révèle à Son serviteur et s’offre à l’œil du cœur sous une forme, une modalité et une individuation déterminées, ainsi que l’a dit le Prophète ﷺ. « J‘ai vu mon Dieu sous la plus belle des formes ».

Ce genre de dévoilement survient dans les phases initiales du processus de réalisation opératif. Mais pour le parfaire, l’être doit passer par l’épreuve du « Rien » – symbolisé par le dédain de la bien-aimée et l’expérience d’être abandonné – afin qu’en lui se certifie le « LA ILAHA » seul. C’est dans cette phase – où, sans un maître avisé il est facile de se perdre dans le désespoir, le nihilisme et la démence – que va naître cette « inquiétude spirituelle », nécessaire à la suite du cheminement. Cet état de perplexité inquiète trouve son paroxysme dans le désir de totale disparition.

Tel le fou amoureux éconduit, le salik ne trouve plus d’issue, il questionne et s’agite.

Vers : « Est-elle aussi maintenant avare de son image? Un obstacle est-il apparu ! Mon faible cœur ne pourra endurer. Dis-moi et qu’Allah te protège, se détourne-t-elle ? »

Un autre soufi célèbre décrit cette perte de repère dans une munaja :

الهي اذا كان الوصل عين القطع و القرب نفس البعد و العلم موضع الجهل و المعرفة مستقر التنكير فكيف القصد و من أين السبيل

« Mon Dieu, si l’union est même chose que « séparation », si la proximité coïncide avec « l’éloignement » , si la science est le siège de l’ignorance et la connaissance la confirmation de « l’inconnaissable » comment concevoir le but et quel est le chemin ? »

L’être parvenu à ce stade n’espère plus qu’en une totale disparition, qui seule pourrait le sauver ou arrêterait ses tourments.

فَأَجَاءَهَا الْمَخَاضُ إِلَىٰ جِذْعِ النَّخْلَةِ قَالَتْ يَا لَيْتَنِي مِتُّ قَبْلَ هَٰذَا وَكُنتُ نَسْيًا مَّنسِيًّا – 19:23

« Puis les douleurs de l’enfantement l’amenèrent au tronc du palmier, et elle dit: «Malheur à moi! Que je fusse morte avant cet instant! Et que je fusse totalement oubliée!»

Le « moi » bien compris se trouve replacé à la place contingente qui lui revient. Si le « moi » était totalement le « Soi », aucune mort ! Et pourtant :

كُلُّ نَفْسٍ ذَائِقَةُ الْمَوْتِ ۖ ثُمَّ إِلَيْنَا تُرْجَعُونَ – 29:57

« Toute âme goutera la mort, puis vous serez retournés à nous »
Concevoir l’accès au Divin sans la disparition de l’humain avec toutes les conséquences que cela implique, ou, ce qui revient au même, concevoir la Réalisation comme la propriété ou l’extension de l’individu, ne sont que des présomptions parmi d’autres et sont indignes de qui s’engage dans la Voie de Dieu, c’est pourquoi le rappel de la mort et la « pauvreté » qui en résulte, sont si précieux pour la juste progression de l’aspirant à travers les aspects pratiques qu’il doit donner à sa vie et à sa relation avec autrui.,


قُلْ إِنَّ الْمَوْتَ الَّذِي تَفِرُّونَ مِنْهُ فَإِنَّهُ مُلَاقِيكُمْ ۖ ثُمَّ تُرَدُّونَ إِلَىٰ عَالِمِ الْغَيْبِ وَالشَّهَادَةِ فَيُنَبِّئُكُم بِمَا كُنتُمْ تَعْمَلُونَ
– 62:8

Dis: «La mort que vous fuyez va certes vous rencontrer. Ensuite vous serez ramenés à Celui qui connaît parfaitement le monde Invisible et le monde visible et qui vous informera alors de ce que vous faisiez».

وَذَكِّرْ فَإِنَّ الذِّكْرَىٰ تَنفَعُ الْمُؤْمِنِينَ – 51:55

Pourtant cet état est ce par quoi lui sera ouverte la porte de la contemplation totale de Dieu par Dieu en lui. Il comprend enfin que c’est Elle (l’Essence) qui l’aide à être vue, en ne plus se montrant.

Voir Layla !

Vers : « Ou est-ce un prétexte afin que légitimement ne soit rendue plus possible aucune figuration d’elle ! »

Toute représentation du Vrai doit disparaître car inadéquate, mais il ne s’agît pas de la disparition de la représentation à l’intérieur du sujet, mais bien de la disparition du sujet en qui peut se faire une telle représentation. Autrement dit, il ne s’agit pas de ne rien projeter sur un écran mais de supprimer l’écran !
Car en réalité, ainsi qu’il est transmis depuis longtemps, il n’y a pas de connaissance ni de vision de Dieu par un autre que Dieu, car un autre que Dieu n’est pas. Le terme vers lequel s‘achemine l’être en quête de Dieu est la donc la reconnaissance que les actes, les attributs et l‘ipséité ou essence des choses sont les Siens en propre. Dans son extinction (fana’) il a ainsi répondu au verset du Livre : « Dieu vous commande de rendre le dépôt confié à qui il appartient (4 :61). ».

En ce pèlerin mort à lui-même, en lequel Dieu est lui-même l’œil par lequel il regarde, se certifie « ILLA ALLAH ». Aussi paradoxal que cela paraisse, la vision de l’Essence ne peut être réalisée que lorsqu’il n’y a plus de sujet pour La voir. C’est pourquoi personne parmi les êtres réalisés ne peut prétendre-en tant qu’individu- l’avoir vue. Et Shaykh al Madanî d’affirmer:

« A l’intérieur du soleil même, Les regards des gens sont abusés » ou « le contemplant, du fait de sa proximité même, ne peut voir »
Images pour dire qu’en effet il n’y a plus : un contemplant et un contemplé ; mais un ensemble indissociable [contemplant-contemplé] qui ne fait plus qu’un et qui entraîne de fait la disparition des deux préalables.

Il n’en demeure pas moins que ces êtres qui sont le support ou le réceptacle en lequel la vision éternelle de Dieu par Dieu s’est réalisée (le passé est lié au point de vue de la créature toujours soumise au temps, en fait il s’agit d’un présent (se réalise) dans un ailleurs), vont garder la « trace » de cet « évènement » atemporel qui pourra se lire dans leur individualité en quelque sorte transfigurée.

Savoir que l’on ne connaît pas est une connaissance
L’être dont le ajal terrestre ou « terme de vie assigné » est différé, revenant de cet état et en en sentant encore le parfum, retourne à son individualité et doit continuer plus que jamais de prendre le Prophète ﷺ pour guide, c’est-à-dire connaître de connaissance certaine que pour tout être distinct c’est l’Essence Elle-même qui est son propre voile, rien ne la voile sinon Elle, et qu’à ce titre il lui faut aussi la contempler au travers et par le voile.

Vers : « Elle s’est voilé seulement en ôtant son voile »

Ainsi un autre Soufi a-t-il pu écrire : « La perfection de l’être contingent c’est par sa propre inconnaissance devenir connaissant. C‘est savoir d’expérience certaine que le summum de la connaissance est l’inconnaissance,… ».
Shaykh al Madani dira lui aussi dans ce beau vers solennel :
« Et par ma vie ! Considérant toute chose, je ne peux autrement dire que : « Emerveillement, ne voilà-t-il pas que le dévoilement est lui-même recouvrement ? »

Cette prise de conscience étant le sommet de la connaissance est donc tout le contraire d’une régression même si elle en prend l’apparence. De fait, il y a régression spirituelle effective, lorsqu’au contraire, l’être s’est persuadé qu’il est dans le droit chemin et que cette disposition lui vient, non d’Allah, mais de la science qu’il pense avoir en propre et dont il est satisfait fièrement.

قَالَ إِنَّمَا أُوتِيتُهُ عَلَىٰ عِلْمٍ عِندِي ۚ أَوَلَمْ يَعْلَمْ أَنَّ اللَّهَ قَدْ أَهْلَكَ مِن قَبْلِهِ مِنَ الْقُرُونِ مَنْ هُوَ أَشَدُّ مِنْهُ قُوَّةً وَأَكْثَرُ جَمْعًا ۚ وَلَا يُسْأَلُ عَن ذُنُوبِهِمُ الْمُجْرِمُونَ
– 28:78

« Il dit: «C’est par une science que je possède que ceci m’est venu». Ne sait-il pas qu’avant lui Allah avait fait périr des générations supérieures à lui en force et plus riches en biens? Et les criminels ne seront pas interrogés sur leurs péchés »

C’est là on le voit bien tout le contraire des « pauvres en Dieu » que sont nos maîtres, qui ont souffert de la désunion au point d’exprimer sans pudeur les affres de l’éloignement.

Les horizons, vivre la pauvreté sur les pas du Prophète ﷺet l’attente de la « Rencontre ».

تأمّلْ سطـــــــــــــــوراً في الآفاقِ جميلةً

Vers : « Contemple de belles lignes, aux horizons! »

Voilà le conseil de qui est revenu, en référence au verset Coranique dans lequel Allah indique qu’Il montrera Ses preuves :

سَنُرِيهِمْ آيَاتِنَا فِي الْآفَاقِ وَفِي أَنفُسِهِمْ حَتَّىٰ يَتَبَيَّنَ لَهُمْ أَنَّهُ الْحَقُّ ۗ أَوَلَمْ يَكْفِ بِرَبِّكَ أَنَّهُ عَلَىٰ كُلِّ شَيْءٍ شَهِيدٌ
– 41:53

Nous leur montrerons Nos signes aux horizons et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela (le Coran), la vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose?

Que l’on peut lire : « Nous leur montrerons Nos signes aux horizons et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est HUWA (inna hu) le Vrai Réel. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose? »

Et c’est comme si Shaykh al Madani nous disait, et c’est aussi l’exemple vécu que nous donnent ceux qui le suivent avec respect et affection :

« Baisse avec adab tes yeux à l’horizontale ! Reviens au monde, transformé par la Vision. Admire le Voile, car le voile : c’est encore Elle ! Sa beauté s’y lit ! et c’est le don total qu’Elle te fait, à toi créature. Layla s’est vue en moi et en retour m’a fait le don de la deviner sous toutes les formes qu’Elle prend pour se voiler. Oui ! Elle est au-delà de tout, et se cache à ta vue car Elle est l’Origine et la Fin de tout, mais Elle est aussi le Milieu et dans « l’ici et maintenant » du plomb de l’ordinaire, tu verras l’Or pur de Sa Face. Vis donc la vie qui t’est impartie, d’un cœur pur et simple comme ton Prophète ﷺ te l’a montré par son exemple. Ne cesse pas de soupirer après celle que tu aimes et que tu vois sans voir. Exalte Sa beauté « comme si tu La voyais ». Abandonne le tafakhur تَفَاخُرٌ, toute forme de gloriole et de prétentions, car qui s’adonne à ces souillures ne peut plus La voir, voilée ou non voilée. Ce sont eux qui La recouvrent de leur négativité (kufr) et La voilent à leurs yeux, et non plus Elle, qui se voile à eux, dans le voile de Son dévoilement qui La leur révèle. Ne cherche pas à t’émerveiller par autre chose que la foi en Lui qu’Il t’a donnée, elle est – avec ta création et celle du monde – le plus grand des miracles :

اعْلَمُوا أَنَّمَا الْحَيَاةُ الدُّنْيَا لَعِبٌ وَلَهْوٌ وَزِينَةٌ وَتَفَاخُرٌ بَيْنَكُمْ وَتَكَاثُرٌ فِي الْأَمْوَالِ وَالْأَوْلَادِ ۖ كَمَثَلِ غَيْثٍ أَعْجَبَ الْكُفَّارَ نَبَاتُهُ ثُمَّ يَهِيجُ فَتَرَاهُ مُصْفَرًّا ثُمَّ يَكُونُ حُطَامًا ۖ وَفِي الْآخِرَةِ عَذَابٌ شَدِيدٌ وَمَغْفِرَةٌ مِّنَ اللَّهِ وَرِضْوَانٌ ۚ وَمَا الْحَيَاةُ الدُّنْيَا إِلَّا مَتَاعُ الْغُرُورِ
– 57:20

« Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, une course à l’orgueil entre vous et une rivalité dans l’acquisition des richesses et des enfants. Elle est en cela pareille à une pluie: la végétation qui en vient émerveille les cultivateurs, puis elle se fane et tu la vois donc jaunie; ensuite elle devient des débris. Et dans l’au-delà, il y a un dur châtiment, et aussi pardon et agrément d’Allah. Et la vie présente n’est que jouissance trompeuse. »

Et sache que le Bien Aimé ﷺ, qui t’accompagnera à Elle, t’a honoré par le désir qu’il a de toi :

عن انس ابن مالك قال النبي ﷺ »وددت انِّي لقيتٌ اخواني الذين آمنوا بي و لم يروْني » رواه الامام أحمد

D’après Anas ibn Malik, le Prophète a dit : « Comme j’aimerais rencontrer mes frères, ceux qui ont cru en moi et qui ne m’ont pourtant pas vu ».

فَشاهِدْ تُشاهِدُ كلُّ شَيْءٍ جَمالَهُ
وَ ما ثَمَّ إلّا وَجْهَ اللهِ في الآياتِ

Et il n’y a dans les Signes que la Face d’Allah. »
Allah bénisse nos maîtres, lieutenants de l’Envoyé ﷺ, étoiles polaires de notre nuit. Amin

Ainsi, le cheminement des aspirants pour lesquels Dieu, dans Sa Sagesse, a différé la félicité, trouve-t-il le modèle à suivre dans la trajectoire spirituelle des grands saints.

لَهُمُ الْبُشْرَىٰ فِي الْحَيَاةِ الدُّنْيَا وَفِي الْآخِرَةِ ۚ لَا تَبْدِيلَ لِكَلِمَاتِ اللَّهِ ۚ ذَٰلِكَ هُوَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ – 10:64
Il y a pour eux une bonne nouvelle dans la vie d’ici-bas tout comme dans la vie ultime. – Il n’y aura pas de changement aux paroles d’Allah -. Voilà l’énorme succès!

Au début de leur engagement, leur enthousiasme et l’ivresse des dons qui affluent sur eux et les émerveillent, sont le résultat des fugaces apparitions que Layla leur donne de voir d’Elle. Mais dans « l’ordinaire » de la vie et, pris en otage du temps qui passe, les pèlerins vivent le déchirement de celui qui est follement amoureux de Layla et à qui elle ne se montre plus. Ils doivent alors s’accrocher fermement à la Loi, à leur religion et faire de la fidélité à leur pacte et à qui le représente, le fil conducteur de cette pénible traversée. Ainsi les lumières ne tarderont pas à reparaître et ce seront les lumières d’une foi pure et solide qui leur permettront d’attendre en confiance l’instant que Dieu a choisi pour les rencontrer. Leur mort corporelle sera pour eux, ce qu’a été la mort initiatique de ceux qui sont « morts avant de mourir » et ils verront leur Seigneur comme on voit la pleine lune en un ciel pur Amin.

وَلَوْ يُعَجِّلُ اللَّهُ لِلنَّاسِ الشَّرَّ اسْتِعْجَالَهُم بِالْخَيْرِ لَقُضِيَ إِلَيْهِمْ أَجَلُهُمْ ۖ فَنَذَرُ الَّذِينَ لَا يَرْجُونَ لِقَاءَنَا فِي طُغْيَانِهِمْ يَعْمَهُونَ
– 10:11

Et si Allah hâtait le malheur des gens avec autant de hâte qu’ils cherchent le bonheur, le terme de leur vie aurait été décrété. Mais Nous laissons ceux qui n’espèrent pas Notre rencontre confus et hésitants dans leur transgression.

و الله اعام عليه توكلت و هو رب العرش العظيم، و السلام

Commentaire sidi Abd al-Malik
Qu’Allah l’assiste.
12 février 2018

Ô frères ! Voici l’assemblée d’Allah !

Ô frères ! Voici l’assemblée d’Allah !

[Fr] Shaikh Mohammad Al-Madani avec las Fouqaras [ar] سيدي محمد المدني في جمع مع الفقراء

[Fr] Shaikh Mohammad Al-Madani avec las Fouqaras [ar] سيدي محمد المدني في جمع مع الفقراء

Voici une Quasida dans laquelle shaykh Madani évoque le moment où il a reçu la mission de s’éloigner de son maître afin de diffuser la « Voie ».
Même si ce moment est le révélateur d’une expérience spirituelle mature, il n’en demeure pas moins difficile, en quelque sorte comme un « sevrage », et shaykh Madani montre dans ce texte combien il lui en coûte de se séparer de la présence physique de l’objet de son amour : son maître et l’assemblée des disciples, les appelant « mes frères ».
Il voudrait pouvoir différer ce déchirement et craint de ne pouvoir être capable d’endurer cette séparation, mais, s’étant interdit « l’oubli » et prenant à témoins ses « nobles frères d’assemblée », l’Esprit (يا روح) accepte de faire de lui le serviteur totalement dévoué à sa mission de propagation de la science du Tasawwuf, en sublimant le compagnonnage physique de son maître en une compagnie purement spirituelle
En cela, il confirme la maturité spirituelle et la maîtrise de la Voie qu’avait décelées en lui, son maître, shaykh Ahmad et Alawi. Allah nous illumine de leur présence. Amin !

Ô frères ! Voici l’assemblée d’Allah !

1. Ô frères ! Nous voici dans l’assemblée d’Allah, l’Apaisant! (السلام )

2. Notre Maître, le Secours à qui nous offrons nos âmes en est son pôle ; quel excellent Guide!

3. Qu’Allah affermisse sa gloire, et le fasse demeurer ainsi pour l’Eternité !

4. Ahmad al-‘Alaoui est sans égal, unique parmi les gens.

5. Les lumières de son Soleil illuminent notre époque.

6. Grâce à elles [[Lit : « Nous lui avons emprunté une lumière par laquelle nous marchons dans les ténèbres »]] nous pouvons marcher dans les ténèbres,

7. Le cœur est illuminé à tel point que nous sommes tous devenus tels des étendards levés [[fanion, marque, et par extension : personnage important, distingué]].

8. Oui, ton soleil brille sur nous : nous éclairant de toute part [[Lit. « Par derrière et par devant »]].

9. Mon cœur et mes entrailles sont éperdus d’amour ; le feu de ma passion s’embrase.

10. Et en ces jours, l’ardeur d’amour s’est encore accrue en moi.

11. Mais Mon cœur s’est brisé, car cette assemblée n’a pas de prix ;

12. Et voici qu’apparait le tourment de la séparation; n’a-t-elle pas dégainé son épée ?

13. Dis-lui : « Tout doux ! Je suis amoureux. L’amour est ma station ».

14. Ne précipite pas la séparation ; elle est éprouvante ; c’est un devoir [[Nous avons traduit « devoir » en anticipation des derniers vers dans lesquels shaykh Madani donne les véritables raisons de cette séparation qu’il redoute et qui est liée à la mission qu’il a reçu de diffuser la Voie de son Maître et d’en être le serviteur.]] difficile.

15. Par Dieu ! Elle est d’un goût amer ; les Nobles ne peuvent la supporter.

16. Et dis-moi ô œil, dis-moi, qui pourras-tu contempler après ce «héros»[[Au sens de Courageux, chevaleresque, généreux, noble, viril, qualités valables tant dans le domaine spirituel que physique.]]

17. Vois-tu son pareil ? Après lui, pourras-tu trouver le sommeil ?

18. Et toi, oreille, dis-moi ! « qui entendras-tu maintenant exprimer ces joyaux? »

19. Oh mon cœur ! Déclare clairement aux présents ;

20. Dis-leur : «Je ne puis, comme il me l’est demandé [[idem (4) Longue périphrase pour traduire يٌرام]] et comme il se doit, endurer cet éloignement de vous !

21. Comment puis-je oublier, comment puis-je oublier, comment le puis-je, ô nobles gens ? »

22. Non, par Dieu ! Ô mon cœur ! dis-leur que c’est pour moi une interdiction légale [[Degré de prohibition absolu ou Haram]] !

23. Ô Esprit ! tu es le compagnon de ce Pôle, va donc en Paix بسلام [[La Paix en réponse au Nom divin du début, est le signe d’une transmission totalement régulière et d’une âme apaisée.]] !

24. Quitte la compagnie physique الجِسم de ce guide et attache-toi à le servir.

25. Je suis, Al-Madanī, serviteur, voué à jamais (à ce service).

عبد المالك م.