Le chant soufi

Le chant soufi


Sidi As-Sadiq Ibn Chaouch, qu’Allah ait son âme, (un ancien disciple Madani de la ville de Chrahil-Tunisie) a prononcé ce rappel (mudhākara) sur le chant soufi, ses principes et modalités. Il dit :

1) Le faquir qui chante (Mounchid) doit se fondre dans son frère. Leurs deux voix ne font qu’une seule ; qu’ils chantent d’une même tonalité. Aucune voix ne s’élève sur l’autre. Cette fusion de voix n’est qu’une métaphore reflétant la fusion des âmes et l’union des ahwāl (états spirituels).

2) Le faqīr-chanteur doit avoir en esprit la majesté de l’Invoqué, s’agissant d’Allah, subhānahu wa ta‘āla, dans les chants portant sur l’essence divine ; ou du Prophète, Sayyidunā Muhammad, sur lui bénédictions et salut, s’agissant d’élégies prophétiques.

3) Il faudrait respecter l’adab (moralité, convenances) pendant le chant, qui est considéré comme un acte rituel, accompli collectivement.

4) Il faudrait appliquer les préceptes et les principes décrits dans les poèmes déclamés. Ceux-ci ne sont autre que la quintessence de la Religion, son élixir profond. Sinon, ce chanteur ne pourra jamais influencer son audience ou faire vibrer les cœurs ».

Nous retenons de ce rappel que le chant, dans la voie madaniyya, n’est pas un objectif en soi. On n’y cherche ni la beauté de voix, ni l’excellence des mélodies. Le Inchād (chant soufi) est un instant de présence avec Allah, un moment d’élévation de l’âme vers les stations de la connaissance et de la proximité. Les poèmes sont donc des outils permettant d’atteindre ces hautes finalités du soufisme.

Cheikh al-Madani parle des invocations divines

Cheikh al-Madani parle des invocations divines

[ar]السيخ محمد المدني[fr]Cheikh Mohammad al-madani

[ar]السيخ محمد المدني[fr]Cheikh Mohammad al-madani

1. « L’interdiction de proférer des paroles abondantes, en dehors des invocations divines, implique l’ordre d’invoquer Allah, selon le principe disant : « l’interdiction d’une chose vaut l’ordre d’accomplir son contraire ». C’est comme si Allah dit : « Invoquez Allah de façon abondante », pour que les cœurs s’apaisent dans la Présence de l’Invoqué (Allah) et se préparent à en recevoir les secrets, à méditer Ses Lumières après s’être effacé de toute autre chose, hormis Lui. Invoquer Allah, avec abondance, est la porte d’accéder à la Présence sacrée et de jouir de la Compagnie divine. Un des poètes dit :

L’invocation est la plus grande porte que tu puisses accéder ;
Fais-en de tes propres souffles les gardiens.

2. L’invocation est donc la porte de la félicité, la clef de la réussite. Celui qui l’accomplit avec abondance et fait montre de sérieux, Allah le soutiendra et le sortira des ténèbres à la lumière. Pour cette raison Allah dit, dans son noble Livre : « Ô vous qui croyez! Évoquez Dieu d’une façon abondante. Et glorifiez-Le à la pointe et au déclin du jour. C’est Lui qui prie sur vous, – ainsi que Ses anges, – afin qu’Il vous fasse sortir des ténèbres à la lumière; et Il est Miséricordieux envers les croyants » (Coran, XXXIII , 41-43). Allah a donc appelé les croyants et leur a ordonné de L’évoquer de façon abondante ».

Extrait de Jawâhir al-ma’ani (Les perles des sens), de Cheikh al-Madani.
traduction et annotation, N. Al-Madani 10-02-2019

Un discours prononcé par le Cheikh Ahmad al-‘Alāwī en 1910

Un discours prononcé par le Cheikh Ahmad al-‘Alāwī en 1910

[ar]الشيخ المدني والشيخ العلاوي[fr]Cheikh Madani et Cheikh Alawi

[ar]الشيخ المدني والشيخ العلاوي[fr]Cheikh Madani et Cheikh Alawi


Un discours prononcé par le Cheikh Ahmad al-‘Alāwī en 1910 à l’attention des fouqras de Tunis lors de sa première visite. C’est le Cheikh al-Madani qui la rapporte en disant :

1. En parlant des fouqrā-s sincères, notre Maître sidi Cheikh Muhammad al-Madani, qu’Allah l’agrée, a dit : « Lorsque notre Maître à nous tous, sidi Cheikh Ahmad al-Alāwī rendit visite à la ville de Tunis (en 1910), le groupe de fouqrā-s lui proposa de désigner un des leurs, comme Chaouch (serviteur qui gère la zawia) et cita son nom. Le cheikh al-‘Alawi dit : « ce serait fait sans le moindre souci ». Ensuite, il se dirigea vers la personne désignée et lui dit :

2. O fils ! Si tu acceptes ce que les frères désiraient de toi, puisqu’ils t’ont proposé pour remplir cette fonction, j’approuverai leur choix. Cependant, sache mon fils ! que le terme « Chāouch » est composé des deux parties : la première « Chā » ; est utilisée, par les habitants de la ville de Tlemsan (Algérie), pour éloigner les bêtes. La seconde est « Ouch », employée pour éloigner les poules. En se rappelant de cette origine (étymologique), tu devrais te comporter, parmi les frères, comme un serviteur obéissant. Tu pardonneras leurs défauts et expieras leurs fautes. Sinon cette mission doit être remplie par des gens dignes.

3. Car, vaincre son ego, en étant parmi les frères, est une obligation. C’est une condition nécessaire dans la Voie, à commencer par le Chaouch, le Muqaddam jusqu’au Cheikh. Il incombe à tous, selon la Loi de Tasawwuf, de s’adapter aux états des disciples : tantôt en se rabaissant, tantôt en s’élevant.

4. Gare au Muqaddam, par d’exemple, de croire, simplement parce qu’il a été investi de cette mission (taqdīm), qu’il mérite d’être privilégié, plus que ses frères, par la nourriture, les boissons, les chants et les discours. Non et non ! Celui-ci n’est aucunement digne de cette mission. Peut-être que cette attitude l’empêcherait de s’élever. L’on doit méditer dans son âme et son orgueil. Son histoire est connue.

Noté par sidi Al-Haj Hasan al-Hintāti lors d’une visite à Souassi en 1952.

Par Ton Essence, Ô Détenteur de transcendance…

Par Ton Essence, Ô Détenteur de transcendance…


Par Ton Essence, Ô Détenteur de transcendance…

1. [Nous T’implorons] par Ton Essence, Ô Détenteur de transcendance et de Majesté ! et par celui qui a été paré de belles qualités.

2. Muhammad, al-Hāchimī par le rang de qui nulle invocation ne sera rejetée!

3. [Nous T’implorons] par les versets de « guérison », par le livre de Chifā [de Qādī ‘Iyādh], par les vertus prophétiques qui y sont énumérées.

4. Allah! Accorde-nous la guérison des maladies ! exauce nos vœux le Jour du Jugement dernier !

5. Allah ! Sois notre rempart contre tout souci ! Ô Toi, Meilleur Protecteur, Meilleur Seigneur !

6. Guéri-nous de ces maux qui ont alourdi le cœur ! Ô Toi qui reçoit et exauce les invocations !

7. Ô Toi ! le plus Miséricordieux des miséricordieux, le Généreux qui aime la générosité et les dons !

8. Vers Toi nous avons tendu les mains de l’espoir, accorde- nous Ta Miséricorde, Ô Toi, le plus Miséricordieux des miséricordieux !

9. Quiconque cherche refuge auprès de Toi ne sera point déçu, notamment si son intermédiaire est le Maître des Messagers.

Zawia madaniyya

1. Biḏātika yā ḏā al-ʿulā wāl-ǧalāl wa man qad ḥubī bi-saniyy al-khiṣāl
2. Muḥammadin al-Hāšimī al-laḏī bihi lā yakhību ladayka al-sūʾāl
3. Wa āyu š-šifā wa kitābu š-šifā wa mā ʿudda fīhi lahu min khiṣāl
4. Takarram ʿalaynā bi-burʾi s-siqām wa nayli al-laḏī nartaǧī fī l-maʾāl
5. Wa kun ḥiṣnanā min ǧamīʿi l-humūm āyā khayra kāfin wa yā khayra wāl
6. Wa farriǧ kurūban laqad aṯqalat lanā al-dhahra yā man ilayhi l-suʾāl
7. Fayā Arḥama r-Rāḥimīn wa yā Karīman yuḥibbu s-sakhā wā n-nawāl
8. Ilayka basaṭnā ākuffa al-raǧā fa-ruḥmāka yā ārḥama al-Rāḥimīn
9. Famā khāba ʿabdun īlayka īltaǧā wasīlatuhu Sayyid al-Mursalīn

 

O vous, Maîtres de Présence !

O vous, Maîtres de Présence !


1. O vous, Maîtres de Présence !
Vous, dont les voiles opaques ont été levés des cœurs !
Vous, pour qui le jour et la nuit se valent!
Vous, qui voyez la Beauté (jamāl) au cœur même de la Majesté (jalāl)!
Méditez celui qu’Allah avait amené vers le « Lotus de la limite », jusqu’à ce qu’il en soit plus proche des « extrémités d’un arc ». Allah le conduit vers un niveau où il entendit le « bruissement des Calames » traçant ce qui a existé et ce qui existera. « La nuit de l’humanité s’est alors fondue dans la Lumière de la haute Essence. Allah révéla à Son serviteur ce qu’il révéla ».

2. Si ce n’est par respect à la noblesse de l’essence Mohammadienne, que personne ne saurait en atteindre le rang, j’aurais dit davantage ; à l’instar de ce que disait le petit fils du Messager de Dieu, bénédictions et saluts sur lui, notre aïeul al-Hasan, qu’Allah l’agrée : « Le sens voulu par le prophète en disant : « Ne me préférez pas à Jonas fils d’Amitthai est d’écarter d’associer la direction et l’espace à Allah, dont la Science englobe tout être, qu’il soit spatial ou temporel. C’est Lui, tout seul, qui les a crées : « Tables sacrées ou encre » ; ce qui se trouve au dessus du Trône ou en dessous n’est qu’un Océan que les cœurs des croyants n’osent traverser par crainte. C’est l’Océan d’Allah, Lui seul doté de Majesté et d’Omnipotence, le Plus-Grand, le Plus-haut.

3. Notre maître [Cheikh al-Madani], qu’Allah l’agrée dit :

  • J’ai écarté tous les êtres de mon regard ; je les éloignés sans m’y attacher
  • Dans les Océans du Vrai réside ma volonté, j’aspire vers le plus haut et le plus noble des honneurs
  • C’est un Océans profond et louable ; je l’ai traversé lorsque mon opacité s’est éteinte.

Cheikh al-Madani, qu’Allah l’agrée, dit : « Tout cela est une ascension spirituelle ; un voyage du cœur. Le disciple doit se représenter tout l’univers, à l’image d’une coupole ou d’un atome ; il le laissera ensuite pour se promener, avec son esprit, dans l’Existence absolue, ou disons : dans les Océans de l’unicité. Qu’est-ce que le Trône par rapport au Lit ? Qu’est-ce que ce minime atome jeté dans les abysses des océans ? « 

N. Madani 29 Aout 2018