Mohammed Al-Madani

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1) Naissance, éducation de base (1888 / 1909)

Mohammed ibn-Khalifa al-Madani naquit Ă  qĂ»saybat al-madiyĂ»ni en 1888, issu d’une famille prestigieuse par sa piĂ©tĂ©. Son pĂšre Khalifa Ă©tait un commerçant itinĂ©rant, il diffĂ©rait des autres par son aisance relative ; il possĂ©dait une charrette sur laquelle il pouvait transporter son huile jusqu’à Tunis, lĂ  il pouvait l’écouler, rĂ©aliser des bĂ©nĂ©fices substantiels et retourner au village. Comme il Ă©tait pieux, il compta tĂŽt parmi les adeptes du Cheikh as-Sadiq as-Sahrawi, grand MĂ»qaddam de la confrĂ©rie Madaniyya-ChadhĂ»liya Ă  Tunis dont le MaĂźtre spirituel Ă©tait le Cheikh Mohammed Zafir al-Madani.

Khalifa ibn-Hassin brĂ»lait de dĂ©sir d’avoir un fils et il fit le vƓu de l’appeler du nom du fondateur de la confrĂ©rie (Mohammed al-madani) dont il Ă©tait considĂ©rĂ© comme l’un des membres les plus dynamiques.

Quand l’enfant naquit, il fut nommĂ© donc Mohammed al-madani, et bien avant l’ñge de cinq ans il frĂ©quenta le KĂ»ttab pour y apprendre le Qoran. AprĂšs avoir apprit par cƓur les 60 chapitres du livre, alors qu’il Ă©tait ĂągĂ© de 12 ans, il fut envoyĂ© Ă  Monastir, lĂ , il suivit les cours de l’école Qoranique, il apprit Ă  Ă©crire, Ă  lire et Ă  compter.

En 1901, il retourna au village pour s’initier aux sciences religieuses et aux rĂšgles de la syntaxe et de la grammaire arabes. Cet enseignement Ă©tait prodiguĂ© par d’excellents maĂźtres. Au bout de deux ans, le petit Mohammed ibn-Khalifa al-Madani fut jugĂ© apte Ă  suivre les cours de la Grande MosquĂ©e de Tunis, c’est Ă  l’ñge de quinze ans qu’il quitta le village pour s’inscrire Ă  la ZaytĂ»na, « 
il Ă©tait considĂ©rĂ© comme l’un des Ă©tudiants les plus studieux de sa promotion
 ».

A la Grande MosquĂ©e, le jeune Mohammed al-madani frĂ©quenta l’enseignement intensif connu de l’universitĂ© d’al-ZaytĂ»na, qui Ă©tait destinĂ© Ă  prĂ©parer Ă  diffĂ©rentes carriĂšres. A cette Ă©poque l’influence du Cheikh Mohammed ‘AbdĂ»h Ă©tait dĂ©jĂ  profonde, dans le milieu universitaire, celui-ci trouva un terrain trĂšs fertile pour l’implantation de ses idĂ©es, et certains UlĂ©mas adhĂ©rĂšrent au rĂ©formisme et devinrent ses disciples, par contre, beaucoup d’autres le combattirent. Quand Mohammed al-madani s’inscrivit Ă  la ZaytĂ»na en 1903, le climat se caractĂ©risait par la tension qui rĂ©gnait dans le milieu professoral, cette tension s’accentua Ă  l’occasion de la seconde visite que le Cheikh ‘AbdĂ»h entreprit en Tunisie, (la premiĂšre en 1884 et dura 40 jours), les querelles redoublĂšrent de violence entre partisans et adversaires du Grand Imam d’Egypte. L’amertume gagna vite le jeune Ă©lĂšve, qui trois ans auparavant fut traumatisĂ© par ce qu’il vit Ă  Tunis, qu’il visita pour la premiĂšre fois : « tu serais vraiment incapable de reconnaĂźtre les musulmans des chrĂ©tiens, tant ils se ressemble et par les vĂȘtements et par la langue
 ».

Et voilĂ  que les porteurs du Savoir, les garants de l’identitĂ© musulmane s’entre-dĂ©chiraient Ă  « pleines plumes », au lieu de s’unir contre les conquĂ©rants aliĂ©nants.

2) La rencontre du MaĂźtre (11 / 1909)

En classe terminale, prĂ©parant le Tatwi’ (DiplĂŽme de fin d’étude du second cycle), Ă  cette Ă©poque, Mohammed al-madani frĂ©quentait assidĂ»ment le Grand MĂ»qaddam de la confrĂ©rie Madaniya-ach-chadiliya, Mohammed as-Sadiq as-Sahrawi, lequel lui avait dĂ©livrĂ© peu de temps avant de mourir, en 1909, une IjĂąza, tĂąma, mĂ»tlaqa, Ăąma (licence complĂšte, absolue et gĂ©nĂ©rale).

Le jeune Mohammed al-Madani rencontra le Cheikh Ahmed al-Alawi au mois de novembre 1909, il faisait partie justement de ce groupe de jeunes gens que le Cheikh vit dans sa vision, « je pensais que le Cheikh al-Alawi Ă©tait semblable aux maĂźtres de notre Ă©poque
mais Ă  peine avais-je Ă©coutĂ© son prĂȘche spirituel (tadkĂźr), goĂ»tĂ© aux dĂ©lices de son Ă©locution, Ă  la force de son verbe et Ă  la puissance de son intelligence que je m’étais dis : ces paroles ont la fraĂźche senteur (des temps proches) du MaĂźtre des Mondes (hĂądal kalĂąm qarĂźb al ‘ahd min rabil ‘ñlamĂźn)
alors, je me tins devant lui, aprĂšs l’avoir humblement salué je pris le serment d’allĂ©geance, et il m’inculqua les litanies gĂ©nĂ©rales propres au chapelet de sa confrĂ©rie. ».

Le Cheikh parti, Mohammed al-Madani n’en continua pas moins Ă  observer scrupuleusement les directives spirituelles de son MaĂźtre. RĂ©guliĂšrement, matin et soir, il pratiquait le Dhikr, cependant qu’il suivait les cours de la ZaytĂ»na, mais le cƓur n’y Ă©tait plus, Mostaganem l’accapara avec d’autant plus d’ardeur qu’à Tunis on apprit le retour du Cheikh Ă  Mostaganem et son installation dĂ©finitive, aprĂšs de bref pĂ©riple qu’il entreprit. Il dĂ©cida donc de rejoindre son MaĂźtre avec qui il entretint une correspondance assidue. Interrompant ses Ă©tudes, il partit pour Mostaganem, c’était en 1911, il y resta d’abord un an d’affilĂ©. AuprĂšs de son MaĂźtre, il remplit les fonctions de secrĂ©taire personnel prĂ©posĂ© Ă  la transcription de ses oeuvres, de ses correspondances etc.
…
« J’avais tirĂ© un grand profit des secrets de la thĂ©ologie de l’UnicitĂ© (asrĂąr at-TawhĂźd), de la subtilitĂ© de son exĂ©gĂšse qoranique, de la finesse de ses commentaires et analyses, des Hadiths dont je n’avais jamais douter que ce fĂ»t l’Ɠuvre de l’inspiration divine
 ».

AprĂšs ce sĂ©jour d’un an passĂ© Ă  Mostaganem et Ă  Tlemcen ou Mohammed al-Madani s’employa Ă  dispenser des cours de grammaire (nahw), de syntaxe (sarf), de rhĂ©torique (balĂągha), de droit (fiqh) aux jeunes disciples, le Cheikh al-Alawi dĂ©livra une licence (ijĂąza) autorisant Mohammed al-Madani Ă  propager les enseignements de la confrĂ©rie en Tunisie, c’était le dimanche 3 dĂ©cembre 1911.

Ijaza du Cheikh al-Alawi

« Voici la licence des connaissants, ĂŽ faqir parvenu Ă  l’extinction, affiliĂ© au parti du Seigneur, Mohammed ibn Khalifa ibn al-Haj Omar, plus connu sous le nom d’al-Madani, tu nous as frĂ©quentĂ© des jours durant, et pour toi, Allah a dissipĂ© les illusions et levĂ© les voiles. Le profit que tu as tirĂ© Ă  nos contacts, a Ă©tĂ© Ă  la mesure de l’amour que tu as nourri pour nous, aussi devras-tu faire profiter tes frĂšres parmi les serviteurs de Dieu, car il n’est pas licite qu’un homme laisse la science juste qu’il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de recevoir. Voici le grade de la guidance qui te rĂ©clame avec le sĂ©rieux le plus intĂ©gral, guide donc qui fait appel Ă  toi, conduis vers l’union qui a rompu d’avec toi.

Dans la voie ChadhĂ»li nous te dĂ©cernons la licence verbale pour confirmer la licence de cƓur que nous t’avons dĂ©livrĂ©e auparavant, tu te dois d’aimer continuellement ton Seigneur, car Allah rĂ©serve Ă  son serviteur la place que ce dernier lui rĂ©serve en son Ăąme. Je formule le souhait qu’Allah t’accorde la pĂ©rennitĂ© de son amour, et sache que l’assistance du Seigneur est fonction de la disposition du serviteur.
De notre conduite rien ne t’a Ă©tĂ© occultĂ©, suis donc ce qu’elle recĂšle de meilleur, non pas nos imperfections dans la guidance. Notre MaĂźtre, mon Seigneur Mohammed al-BĂ»zaydi, avait passĂ© de nombreuses nuits, rapprochant les serviteurs du Seigneur
suis la tradition de nos prĂ©cĂ©dents maĂźtres Ă  qui nous avons empruntĂ© la voie, tu seras bien solidement attachĂ© Ă  eux, aussi longtemps que tu te seras conformĂ© Ă  leurs traditions. Veille qu’Allah te bĂ©nisse sur leur amitiĂ©, sur leur pacte, Allah veillera sur toi, il est le meilleur des vigiles, le plus clĂ©ment des clĂ©ments.
Pour clore, je supplie Allah le Grandissime par la gloire de son ProphĂšte gĂ©nĂ©reux qu’Allah prie sur lui et le salut fortement, de nous prĂ©server dans ce qu’il nous a donnĂ©, de nous seconder dans l’observance de ses ordres.

Je te supplie, ĂŽ Seigneur ! par le plus grand de tes messagers, le meilleur de toutes tes crĂ©atures, d’aplanir pour lui (al-Madani) la voie droite, nous l’avons conduit devant ta porte, il te fera aimĂ© de tes crĂ©atures et tes crĂ©atures de toi. Ô seigneur ! Élargis devant lui la voie de ta connaissance, introduis-le dans ton enceinte inexpugnable, prĂ©serve tous ceux qui se rattacheront Ă  lui, par le privilĂšge de l’entrĂ©e en ta prĂ©sence, et sois, ĂŽ notre Seigneur ! Son ouĂŻe, sa vue, sa main sa jambe, ĂŽ Seigneur ! Éteins son existence en la tienne, de sorte qu’il ne lui reste plus que ce qui est par toi et pour toi, Amin ! Par le caractĂšre sacrĂ© du MaĂźtre des messagers !
Notre ultime priÚre est de louer Allah, le Seigneur des mondes. »

En tout, Mohammed al-Madani dut rester auprĂšs du son Cheikh, trois ans environ, il passa prĂ©s de lui toute l’annĂ©e 1911, ensuite deux annĂ©es discontinues.

Les premiÚres années de labeur (1912 / 1918)

Devenu maĂźtre d’enseignement primaire Ă  Monastir (1912 / 1915), il dĂ©missionna de ses fonctions d’instituteur, sur l’ordre du Cheikh al-Alawi, pour mieux s’adonner Ă  sa vocation de guide spirituel. Mais il avait dĂ©jĂ  formĂ© ses adeptes au temps ou il enseignait, dĂ©sormais, il lui fallait gagner sa vie autrement, comme il savait travailler aux champs, ce fut vers l’agriculture qu’il dirigea ses efforts. Il acheta ses premiers lopins de terre aux souassis, il prouva par ses efforts continus que la terre n’était pas si stĂ©rile que les natifs de cette rĂ©gion voulaient le croire, il y planta des oliviers, des amandiers, des figuiers, il cultiva le blĂ©, l’orge
Certes le climat n’était pas favorable, ni les terres trĂšs fertiles, mais les effort du Cheikh al-Madani ne furent pas vains, au contraire, les gens des souassis furent convaincus que leurs terres pouvaient produire de bonnes rĂ©coltes.

L’audience d’al-Madani n’en fut que plus large, on l’écoute avec plus d’attention, plus de sĂ©rieux. Peu Ă  peu, les jeux de cartes largement pratiquĂ©s dans la rĂ©gion Ă©taient dĂ©laissĂ©s, les vols devenus moins frĂ©quents, les vices de toutes sortes se rĂ©sorbaient, grĂące Ă  l’influence du Cheikh al-Madani qui, parallĂšlement Ă  ses activitĂ©s culturales, s’adonnait Ă  la propagation des enseignements reçus de son Cheikh, la voie timidement implantĂ©e Ă  QĂ»saybat al-MadiyĂ»ni, Ă  Monastir, connut plus d’extension aux Souassi, lĂ , de douar Ă  douar, de village en village, Mohammed al-Madani, Ă  dos d’ñne, Ă  cheval, quelques fois Ă  pieds, portait la bonne parole aux gens, les invitait Ă  assister Ă  ses enseignements, lesquels, truffĂ©s de versets qoraniques et de Hadiths, Ă©veillait chez les bĂ©douins des impulsions religieuses enfouies en eux depuis bien longtemps.
Les cours de nahw grammaire, sarf (syntaxe) apprirent aux enfants à manier la langue arabe, les cours de fiqh (droit musulman) permirent aux adultes de pratiquer leur religion conformément à la Chariù (loi révélée).

Le prosĂ©lytisme de la voie se propageait au nom du Cheikh al-Alawi, bien avant que son audience ne se fĂ»t Ă©largie, le Cheikh Mohammed al-Madani reçut l’autorisation du Cheikh al-Alawi de baptiser de son nom la confrĂ©rie qu’il avait pour mission de fonder en Tunisie, ce devait ĂȘtre probablement en 1914, quand le Cheikh al-Alawi prit ses distances Ă  l’égard des Darqawis. Il Ă©tait inconcevable qu’un disciple prĂźt unilatĂ©ralement la libertĂ© de baptiser la confrĂ©rie de son nom (sans l’autorisation de son maĂźtre vivant), c’eĂ»t Ă©tĂ© contraire non seulement Ă  la morale islamique, mais encore Ă  l’éthique reçue au contact de son maĂźtre.

3) Le MaĂźtre spirituel (1918 / 1959)

Une zawiya Ă©tait donc nĂ©cessaire pour le rayonnement de la confrĂ©rie Madani. Sur quelques parcelles de terre, achetĂ©es par le Cheikh al-Madani lui-mĂȘme, ou offertes par des gens pieux Ă  titre de don « pour la face de Dieu », on construisit la zawiya mĂšre des Madanis de QĂ»saybat al-MadiyĂ»ni, en 1920, elle Ă©tait partiellement cloturĂ©e, une partie de la mosquĂ©e, l’aile est, Ă©tait construite avec le mihrĂąb. Le Cheikh al-Madani changea de rĂ©sidence et s’installa dans sa maison contiguĂ« Ă  la mosquĂ©e et achevĂ©e en 1921.

En 1933, la mosquĂ©e fut agrandie, de nouvelles chambres furent construites pour l’hĂ©bergement des fĂ»qaras. 1943 vit la construction de la mĂ©dersa (kĂ»ttab) pour l’enseignement du Qoran, en 1945, la mosquĂ©e s’agrandie dans sa partie sud, un deuxiĂšme mihrab fut construit.

En rĂ©alitĂ© la zawiya s’agrandissait toujours, et les travaux, pour peu qu’ils s’interrompissent, reprenaient de nouveau, grĂące Ă  l’ardeur, au zĂšle et Ă  la ferveur des disciples, sous l’Ɠil approbateur du maĂźtre. C’est que le nombre des adeptes croissait rapidement et que leurs rĂ©unions devenaient rĂ©guliĂšres, moins espacĂ©es.

Chaque jeudi soir, la zawiya s’animait, des groupes de fĂ»qaras de tous les horizons y arrivaient pour chanter des odes du Cheikh al-Alawi, de Omar ibn al-Faridh et des qassĂźdas composĂ©es par le Cheikh al-Madani lui-mĂȘme, conformĂ©ment aux thĂšmes des grands maĂźtres soufis. La zawiya vibrait d’ivresse soufique, les fĂ»qaras chantant les louanges et la gloire d’Allah , la beautĂ© et les mĂ©rites incommensurables de son ProphĂšte (pssl), finissaient toujours leur soirĂ©e par une ou plusieurs ‘imara ou hadra (danse extatique).

Les mĂ»dhakaras du maĂźtre laissaient un impact profond et durable chez les disciples, qui enchantĂ©s, s’en allaient gagner de nouveaux frĂšres.
En 1925, le Cheikh al-Madani célébra pour la premiÚre fois le Mawlid à la zawiya de Qûsaybat al-Madiyûni.

Infatigablement, il luttait contre toutes les formes de déviations religieuses.

Le Cheikh al-Madani, du mĂȘme coup, malgrĂ© lui, eut plusieurs adversaires, tous ceux qui lui enviaient ces milliers d’adeptes pleins de vigueur et qui auraient Ă©tĂ©, selon eux, mieux employĂ©s Ă  d’autres fins, politiques par exemple, ceux aussi, qui, chargĂ©s de diplĂŽmes dĂ©livrĂ©s par la ZaytĂ»na, voyaient dans les pratiques du soufisme Madanie, des pratiques hĂ©tĂ©rodoxes, des innovations blĂąmables (bid’a), ceux qui, refusaient toute pratique religieuse, a fortiori les pratiques Ă©sotĂ©riques. Enfin les autoritĂ©s coloniales qui, a priori, craignaient tous les rassemblements indigĂšnes, et si ces derniĂšres, grĂące Ă  leurs indicateurs, surent vite que la confrĂ©rie Madanie n’avait pas d’autre ambition que celle de restaurer l’Islam, de lui restituer sa puretĂ© primitive pour les communs des croyants (‘ñmma) et d’amener l’élite (khĂąssa) Ă  se rĂ©aliser en l’Unique.

Les trois autres catĂ©gories d’adversaires restĂšrent intraitables et constituĂšrent de vĂ©ritables obstacles Ă  la diffusion de la confrĂ©rie Madanie, leur animositĂ© s’aiguisait, d’autant plus que le Cheikh al-Madani prenait de l’ascendant, que ses adeptes Ă©taient recrutĂ©s dans les milieux sociaux les plus variĂ©s.

Toujours en butte aux attaques des ses adversaires recrutĂ©s parmi les Ă©tudiants de la ZaytĂ»na, il se devait de leur prouver que les enseignements qu’il dispensait Ă©taient agrĂ©es par les plus hautes autoritĂ©s exotĂ©riques, qu en tout cas, sur ce plan-lĂ , celui des connaissances en gĂ©nĂ©ral, il Ă©tait muni des diplĂŽmes les plus convoitĂ©s.

En 1926, il se fit dĂ©livrer une ijĂąza par le MĂ»fti MalĂ©kite de la Mecque, Mohammed Jamal ibn Mohammed al-‘Amir, l’autorisant Ă  professer ‘ilm at-tafssir (la science de l’exĂ©gĂšse), le Hadith, le fiqh (la jurisprudence), at-Tawhid wa ĂąlĂątĂ»hĂ» (la thĂ©ologie unitariste et ses techniques), al-Badi’ (la rhĂ©torique), al-Mantiq (la logique)
Ce fut ainsi qu’en 1936, il dĂ©cocha une ijĂąza signĂ©e par belhassan an-NajjĂąr, le prĂ©sident des commissions des examens Ă  la ZaytĂ»na, qui Ă©tait en mĂȘme temps, le MĂ»fti MalĂ©kite de Tunis, l’autorisant ainsi Ă  professer toutes les sciences rationnelles ou transcriptives et plus spĂ©cialement la science du Hadith et le fiqh selon les quatre Ă©coles (madĂąhib) avec une autorisation sans rĂ©serve.

DĂ©jĂ  sept ans auparavant, le lundi 1929, accompagnĂ© d’une soixantaine de ses adeptes, il fit son premier pĂšlerinage Ă  la Mecque et visita MĂ©dine, Ă  son retour, Adda BentounĂ©s, l’un des disciples les plus aimĂ©s du Cheikh al-Alawi, dĂ©lĂ©guĂ© par celui-ci, vint Ă  QĂ»saybat al-MadiyĂ»ni prĂ©senter ses fĂ©licitations et celles du Cheikh et de tous les frĂšres Alawis aux heureux pĂšlerins Madanis reprĂ©sentĂ©s par leur maĂźtre.

Outre les trois annĂ©es que le Cheikh al-Madani avait passĂ©es Ă  Mostaganem et Ă  Tlemcen du contact du Cheikh al-Alawi, ses rapports avec lui ne furent pratiquement jamais interrompus, d’abord le maĂźtre et le disciple s’écrivaient d’une façon rĂ©guliĂšre, ensuite ce dernier ne lĂ©sinait pas sur son temps pour aller en AlgĂ©rie pour assister aux grandes cĂ©rĂ©monies spirituelles que le maĂźtre organisait. En 1927, on le vit assister Ă  l’ihtifal Alawi d’Alger, c’était probablement la derniĂšre fois qu’il voyait son maĂźtre vivant. Quand al-Haj Adda BentounĂšs envoya un tĂ©lĂ©gramme annonçant le dĂ©cĂšs du Cheikh, toute la Zawiya Madaniya fut en deuil, le Cheikh al-Madani rĂ©unit ses fĂ»qaras afin de rĂ©citer le Qoran en entier pour le repos de l’ñme du maĂźtre vĂ©nĂ©rĂ©.

Les rapports du Cheikh al-Madani avec la confrĂ©rie Alawie n’en restĂšrent pas moins inaltĂ©rables, et ce, malgrĂ© les dissensions qui Ă©clatĂšrent aprĂšs le dĂ©cĂšs du Cheikh al-Alawi.
En 1936, le Cheikh Adda se rendit Ă  QĂ»saybat al-MadiyĂ»ni. En 1954, ce ne fut pas chez Hassan Trabelssi, ni chez Ali al-BĂ»daylami que le Cheikh Mohammed al-Madani se rendit, mais bien chez al Haj Adda BentounĂšs, successeur lĂ©gitime du Cheikh al-Alawi. Une annĂ©e aprĂšs s’ĂȘtre dĂ©saltĂ©rĂ© Ă  la source du maĂźtre, maintenant dĂ©funt, il entreprit un deuxiĂšme pĂšlerinage Ă  la Mecque (1955), et s’abreuva, cette fois-ci, Ă  la source primordiale.

Ce fut le jeudi 14 mai 1959 que le Cheikh Mohammed al-Madani, aprùs une brùve maladie, exhala son dernier souffle, dans l’hîpital de Sousse.

4) Portrait du Cheikh Mohammed al-Madani

« Quand je suis retournĂ© Ă  Monastir, j’appris qu’un instituteur Ă©tait nommĂ© Ă  l’école qoranique, il portait une espĂšce de gandĂ»ra (jĂ»bba) et sa barbe Ă©tait longue et fournie, disait-on, on racontait aussi qu’il portait un chapelet assez massif au coup
En effet, il Ă©tait Ă©loquent, Ă©crivain, poĂšte et la vastitude de ses connaissances surprenait tout le monde.
Afin de nourrir les siens et ses disciples, comptant sur l’aide d’Allah, lui permit d’acquĂ©rir fortune et biens licites, dĂ©nuĂ©s d’impuretĂ© dans la gestion de ses affaires, il pensa Ă  rechercher d’autres sources de revenus (que l’enseignement et la pratique de l’agriculture), bref, tout ce qu’il avait acquit Ă©tait conforme Ă  l’éthique islamique, il employa en signe de reconnaissance envers Dieu, une partie de ses biens Ă  aider les nĂ©cessiteux
 » Omar al-RĂ»kbĂąni, 1912.

« Marchant droit, il exhalait de tout son ĂȘtre une senteur qui vous fait forcĂ©ment penser qu’il s’agit d’un ĂȘtre hors du commun, par sa voix pleine de douceur, jamais colĂ©reuse, il vous conquiert malgrĂ© vous, vous avez beau ĂȘtre animĂ© du dĂ©sir de lui nuire, tant on vous a excitĂ© contre lui, mais pour peu qu’il vous parle, il vous gagne par sa voix qui susurre, par ses gestes spontanĂ©s, son regard franc et droit qui vous va jusqu’au cƓur le sĂ©duisant contre votre volontĂ©, le sourire aux lĂšvres, un sourire ineffaçable, il vous offre le thĂ©, un vert de thĂ© vert parfumĂ© Ă  la menthe vous est toujours servi par un de ses innombrables disciples, il savait pourtant que je venais l’embĂȘter de mes questions sournoises et malintentionnĂ©es, de gaietĂ© de cƓur il me parlait et malgrĂ© mes tentatives qui visaient Ă  l’énerver, jamais il ne se laissait emporter par la colĂšre, de guerre lasse, j’abandonnai la querelle et cessai de me rendre Ă  sa zawiya, car il m’avait subjuguĂ© par tant de bontĂ©, de bienveillance, de largeur d’esprit, maintenant, je regrette vraiment, sincĂšrement tout le tort que je voulais lui faire, j’étais en rĂ©alitĂ© manipulĂ© par des hommes, qui, ayant dĂ©sespĂ©rĂ©s de le gagner Ă  leur cause politique, et Ă©tant incapable de soutenir la moindre discussion avec lui, en raison de leur ignorance, m’utilisĂšrent pour lui chercher querelle. Sur le plan culturel, j’avais reconnu devant lui et devant ses disciples, ma grande ignorance et ma maladresse. » A.H.G, diplĂŽmĂ© de Sadiki.

L’amour du Cheikh Mohammed al-madani s’enracina solidement dans le cƓur de la majoritĂ© des gens de Monastir. Or, les Monastiriens sont parmi les Sahiliens, ceux qui savent le mieux distinguer le bon grain de l’ivraie et estimer un homme Ă  sa juste valeur. Ils ne craignaient ni les grands de ce monde ni les tyrans, a fortiori quand ils avaient la certitude que la justice te le droit Ă©taient Ă  leur cĂŽtĂ©. Aussi ne laissaient-ils jamais mystifier par les charlatans.

La conduite du Cheikh al-Madani nous faisait penser aux prĂ©cesseurs justes (salaf salih), n’était-il pas bienveillant pour ceux qui lui faisaient du mal ? L’avait-on un seul jour entendu mĂ©dire autrui ? Qui pourrait prĂ©tendre l’avoir vu agir en contradiction avec la Chari’ñ ? Ne le voyait-on pas inviter assez souvent un grand nombre de pauvres et leur prĂ©senter gĂ©nĂ©reusement des plats simples, comme on en faisait dans les temps anciens
 Vous les voyiez grĂące Ă  lui, portĂ©s sur l’acquisition du savoir, la pratique des priĂšres rituelles, sur le dhikr dans une atmosphĂšre de fraternitĂ© sincĂšre, d’entraide, de piĂ©tĂ©, de dĂ©sintĂ©ressement.

Si parfois un faqir apportait quelques victuailles et qu’il les offrit Ă  son maĂźtre, celui-ci acceptait le don et ne le refusait pas, mais il ne demandait pas qu’on lui en fit et ne tenait pas Ă  ce qu’on lui offrit quoi que ce fut, d’ailleurs, chaque don Ă©tait largement distribuĂ© entre les pauvres et les disciples, ainsi tout Ă©tait offert ou mit Ă  la disposition des hĂŽtes d’Allah, car le sĂ©jour des disciples durait plusieurs jours Ă  la zawiya, voir plusieurs semaines, quelques fois plusieurs mois.

« en 1919, mon pĂšre l’avait invitĂ© Ă  mon mariage, avec ses disciples, il passa toute la nuit Ă  cĂ©lĂ©brer la louange d’Allah et de son messager, par des chants qui Ă©taient ardents, passionnĂ©s, ils s’y mettaient tous de tout leur cƓur, quand ils se levĂšrent pour la hadra ou ‘imara, je fus frappĂ© par leur absorption lors de cette cĂ©rĂ©monie, la mĂ»dhakara finale avait laissĂ© en moi la meilleure des impressions, il Ă©tait Ă©vident que le Cheikh al-Madani Ă©tait convaincu qu’il avait une mission suprahumaine Ă  accomplir. Oh ! Comme il Ă©tait loin des bassesses dans lesquelles sombrent la plupart des hommes, ce fut un homme comme on en vit trĂšs peu dans son temps. C’était pratiquement l’un des rares individus respectables de Tunisie qui se tint Ă©loignĂ© des courants idĂ©ologiques assoiffĂ©s d’intĂ©rĂȘts sĂ©culiers malgrĂ© tous les slogans plus ou moins humanitaires qu’ils exhibaient aux masses, j’étais convaincu, ce soir-lĂ , que j’avais devant moi un groupe d’hommes bien unis Ă  leur maĂźtre, une micro communautĂ© islamique qui me fit penser Ă  la premiĂšre communautĂ© des croyants du temps du ProphĂšte (pssl), tout en eux faisait vivre en moi ces rĂ©miniscences d’élĂšve ayant appris l’histoire de la communautĂ© durant la pĂ©riode apostolique.

Pour moi, comme pour beaucoup d’autres, le Cheikh al-Madani marcha sur la voie du ProphĂšte (pssl) et s’employa, sa vie durant, Ă  former des disciples qui fussent Ă  l’image des premiers croyants, avec leur barbe assez longue, leur turban bien enroulĂ©, leur gandĂ»ra assez ample, leur chapelet, leur parfum sentant le musc ou l’ambre, le Cheikh al-madani et ses disciples, semblaient jaillir, comme par enchantement, d’un Ăąge rĂ©volu, qu’on croyait Ă  jamais enterrĂ©, pourtant ils Ă©taient lĂ , en plein XXe siĂšcle, courtois, polissĂ©s, humbles, je comprends maintenant, pourquoi l’image du Cheikh al-Madani, vielle maintenant d’une soixantaine d’annĂ©es, ne voulait pas me quitter, je dirais mĂȘme qu’elle m’obsĂšde.

Quelques fois, il reprĂ©sentait incontestablement ce que la religion islamique a d’inaltĂ©rable, malgrĂ© les bĂ©liers dĂ©fenceurs et l’infinitude des agents corrosifs de l’histoire, par son Ă©thique, il me fait toujours penser aux traditions de ces ProphĂštes conduisant leur peuple vers la voie d’Allah et dont le Qoran est si riche. Chez moi, son image restera vivace, tant que je continuerai Ă  vivre. » tĂ©moignage recueilli en 1977 auprĂ©s de Mohammed Salah Mezali, ancien premier ministre tunisien du temps du protectorat français mars/aout 1954.

« Issu de vielle famille prestigieuse par sa science et sa droiture morale, il compta parmi l’Ă©lite des disciples du Cheikh al-Alawi….le Cheikh Mohammed al-Madani fut un guide spirituel universel…il fut de ceux que Dieu gratifia de hautes qualitĂ©s morales. Quand notre Cheikh al-Alawi lui dĂ©livra l’autorisation de propager les enseignements de la confrĂ©rie, il Ă©tait jeune, il n’avait que 23 ans, alors il rĂ©pondit au MaĂźtre: « sidi, je me vois trop petit pour assumer une responsabilitĂ© aussi grande! », « mais moi, je te vois grand! » lui rĂ©pondit le Cheikh. Cette encouragement eut l’impact le plus favorable chez le jeune disciple, qui Ă©tant, rentrĂ© chez lui, et s’Ă©tant dĂ©pouillĂ© de la tunique imaginaire des illusions, se retrouva grand parmi ceux de son village, en effet, Ă  peine s’y Ă©tait-il installĂ©, que Dieu fit dĂ©border son coeur, sa langue du flux de sa sagesse Ă  telle enseigne que les gens se virent comme attirĂ©s Ă  lui pour ceuillir cette sagesse… » Cheikh Adda BentounĂšs.

Cette sagesse revĂȘtait les formes les plus diverses, mĂȘme avec ses pires ennemis, le Cheikh restait bien-veillant.

Voici une allocution Cheikh Mohammed al-Madani, lors du commĂ©moration du Mawlid 1943, tirĂ© du livre biographique du Cheikh par al-Haj AbdĂ»l’aziz bĂ»-Zayd.

« Il y en avait parmi ceux qui ne faisaient pas partie de le confrĂ©rie qui nous faisaient du mal…mais je lis Ă  travers leur visage le dĂ©sir de comprendre notre voie et d’en bĂ©nĂ©ficier…ils ne sont pas seulement poussĂ©s par le dĂ©sir de la polĂ©mique aveugle et obstinĂ©e , ni celui de la vengeance…quand ils seront convaincus que l’adoration en vigueur dans notre voie repose sur la base solide de la tradition du meilleur des premiers et des derniers des hommes, sur la phrasĂ©ologie des maĂźtres soufis, alors ils s’affilieront Ă  notre voie et s’y cramponneront avec toute leur Ă©nergie et je prie Allah pour qu’il m’ouvre la poitrine et les leurs, afin que nous accomplissions tous les devoirs qi nous sont demandĂ©s.

Ceux qui s’opposent Ă  l’invocation d’Allah, au fondement de notre voie, commettent une faute vĂ©nielle, ce sont des hommes sains, de bonne foi.

Ô gens d’Allah remĂ©morants! Je voudrai vous entretenir d’une personnalitĂ© saillante de ce temps, Ă  propos de laquelle les contreverses ont agitĂ© les langues, il s’agit de cet homme debout parmis vous et qui vous parle. J’ai voulu vous dire ce qu’il est au juste, sans tomber dans l’exĂšs de son pane gyrique, ni celui de sa calomnie, afin que les gens sachent vraiment de qui il s’agit, car beaucoup de personnes chantent ses immenses mĂ©rites dans beaucoup de villes et beaucoup de rĂ©unions affirmant que le Cheikh Mohammed al-Madani est l’homme du temps annoncĂ©, son secours, son pĂŽle spirituel, l’hĂ©ritier du secret du Messager d’allah…et qu’il n’y a pas de pareils parmi ses contemporains, ils vont jusqu’Ă  dĂ©velopper des analyses dĂ©passant toute mesure, les limites mĂȘme du panĂ©gyrique, du dĂ©vouement Ă  ma personne.

Une autre catĂ©gorie de gens, Ă  longueur d’annĂ©e, Ă©crivent souvent dans les journaux, soutiennent aussi dans certaines rĂ©unions et certaines ville que Mohammed al-madani est un imposteur, un hĂ©rĂ©siarque, un homme de paille du gouvernement, qu’il dĂ©teste le parti Destour…lĂ  aussi, la dĂ©mesure dans la diffamation, je dirai dans la calomnie…L’homme aussi longtemps qu’il est sur terre, a forcĂ©ment des amis qui le louent et des ennemis qui le calomnient.

J’ai eu la chance de me joindre au soufi universel et au connaissant par Allah arrivĂ© au stade de l’union thĂ©opatique, le Cheikh sidi Ahmed al-Alawi qui m’avait initiĂ© au wird de la confrĂ©rie Chadhuliya, Darqawiya, Alawiya. Ainsi je dus changer de cap, puisque je n’allais plus courir derriĂšre les diplĂŽmes, en vue de devenir fonctionnaire. Par contre, je fus habitĂ© par le dĂ©sir brĂ»lant de parvenir Ă  la station de la connaissance suprĂȘme pour la prĂ©sence du misĂ©ricordieux, et Ă  celle de l’extinction de tous les univers. Au contact du Cheikh al-Alawi, je pus acquĂ©rir ce qu’Allah m’avait dĂ©stinĂ© de toute Ă©ternitĂ©, au point que mon Cheikh m’autorisa Ă  initier les communs des croyants au wird de la confrĂ©rie et l’Ă©lite au Nom SuprĂȘme.

VoilĂ  donc 34 ans que je dĂ©pense le meilleur de mon temps et mes connaissances les plus prĂ©cieuses en faveur de ceux parmi mes frĂšres croyants qu’Allah prĂ©disposa Ă  recevoir ces connaissances…je ne vous dirai pas que je sois un homme infaillible, non! non! l’infaillibilitĂ© a cessĂ© d’exister avec le sceau des ProphĂštes, je suis un homme semblable aux croyants…Je souhaite qu’Allah absoluve mes fautes le jour du jugement et que vous priez pour moi dans vos retraites spirituelles ».

Alors que le Cheikh al-Madani traversait la rue au milieu de ses disciples, un libre penseur assis devant le café maure de la place publique lança à ses camarades sur un ton ironique:

-Mais vous ne trouvez pas que le Cheikh présente beaucoup de points communs avec votre ProphÚte?

le plus dĂ©lurĂ© du groupe de s’enquĂ©rir: « mais lesquels? »

-Quel est le nom de votre ProphĂšte?

-Mohammed! rĂ©pondirent-ils en chƓur.

-Le Cheikh ne s’appelle-il pas ainsi?

-Quel est celui de la mĂšre de votre ProphĂšte?

-Amina!

-Eh bien, sachez que c’est aussi celui de la mĂšre du Cheikh!

-Le mûezzin de votre ProphÚte qui était-il?

-BilĂąl, un noir!

-Et le mĂ»ezzin du Cheikh, n’est-ce pas Bey MabrĂ»k, regardez-le, n’est-il pas aussi noir que le jais? Par ailleurs, votre ProphĂšte n’est-il pas surnomĂ© le pĂšre des filles, car ses fils sont morts en bas Ăąge?

-Certs, tu dis vrai!

-Eh bien, le Cheikh, n’a-il pas perdu lui aussi tous ses fils en bas Ăąge, sauf un seul qui n’a que six ans et en revanche n’a-il pas cinq filles?

-LĂ  aussi tu dis vrai, mais le ProphĂšte irradiait la lumiĂšre.

-Mais regardez donc le front du Cheikh, ne voyez-vous pas cette lumiĂšre qui jaillit?….

Parmis le groupe il y en avait qui , prenant les paroles du libre penseur Ă  la lĂ©gĂšre, rigolĂšrent Ă  plein gosiers, d’autres oubliĂšrent aussitĂŽt ce qui venait d’ĂȘtre dit, par contre, les autres restĂšrent longtemps perplexes, surpris par tant de ressemblances rĂ©vĂ©lĂ©es par la bouche ironique de celui qui se targuait de ne pas croire.

Cela se passait en 1943, le Cheikh al-madani avait en effet perdu trois de ses fils (Nasir en 1936, un autre du mĂȘme nom en 1943, Ahmed al-Alawi en 1940. Le seul fils vivant Ă©tait donc MĂ»nawwar, nĂ© en 1937 qui a pris la succession spirituelle Ă  la tĂȘte de la confrĂ©rie depuis le dĂ©cĂšs de son pĂšre.

Epilogue

Il est certain que le Cheikh Mohammed al-Madani avait joué un rÎle imminent dans la vie religieuse de la Tunisie contemporaine, la confrérie qui porta son nom, était la confrérie soufie la plus dynamique et la plus vivante de la régence de Tunis, celui-là entraßna bien des tracasseries dont Mohammed al-Madani eut raison, grùce à sa perspicacité, à son tact, à son intelligence pénétrante, à sa vaste culture, à sa sagesse, à sa droiture morale, à son soufisme sincÚre.

Quand Ă  notre demande, son fils MĂ»nawwar nous fit visiter la demeure de son pĂšre, grande fut notre surprise de remarquer que les plafonds du vestibule et des chambres, mĂȘme celui de la chambre nuptiale, Ă©taient fait de branches sĂšches d’oliviers mal dĂ©grossies, sur lesquelles, on avait simplement posĂ© des pierres sĂšches assez plates , le tout Ă©tant recouvert de mortier. En sortant de la demeure, nous nous surprimes Ă  rĂ©pĂ©ter tout bas: « non! Cet homme ne pouvait avoir Ă©tĂ© un imposteur, s’il avait Ă©tĂ©, il n’aurait pas vĂ©cu dans une demeure aussi humble, aussi archaĂŻque ».

D’aucuns diraient probablement que, construite en 1920, elle ne pouvait ĂȘtre que ce qu’elle est, alors nous rĂ©troquerons d’abord que le marbre existait Ă  cette date Ă  QĂ»saybat al-MadiyĂ»ni, ensuite que le Cheikh Mohammed al-Madani eĂ»t pu, lui qui avait fait construire une si grande zawiya, rebĂątir sa demeure, ou du moins, la rĂ©amĂ©nager, il ne l’avait pas fait, il visait plus loin, plus haut, il voulait vivre comme le plus humble de ses disciples, sa mission Ă©tait supra humaine, nous disait Mohammed salah Mezali.

Nous sommes convaincus, aprĂ©s avoir visitĂ© nous-mĂȘme la demaure privĂ© du Cheikh al-madani, nous avons acquit la certitude que l’homme ayant atteint la station de l’union thĂ©opathique, devrait compter parmis les saints reconnus de l’Islam contemporain, pour avoir Ă©tĂ© l’ouĂŻe d’Allah, sa vue, sa langue parlante, de par son amour, comment puvait-il accepter la dĂ©sunion, lui qui connut l’union: « je suis uni, certes je suis simultanĂ©ment l’aimĂ© et l’amant ».

Salah Khelifa

ThĂšse pour l’obtention du Doctorat d’Ă©tat en Ă©tudes Arabes & Islamiques.
Université Jean Moulin Lyon III.