Nous avons l’honneur de vous présenter cette belle qasida : Kun ma‘a Alla (Sois avec Allah).
1- Sois avec Allah, tu Le verras avec toi !
Abandonne tout et méfie-toi de ton avidité [[Tama‘ : (طمع) ambition, avidité, cupidité, convoitise, envie, prétention : autant de défauts que le faqīr se doit d’abandonner.]]!
2- Allah est ta Lumière, qu’elle t’illumine
Prends garde aux contraires [[Allah est Un (comme le centre d’une circonférence), ses « contraires » (adhdād أضداد) (les points sur la circonférence) sont multiples : d’où le pluriel.]] , cela l’éteindrait! [[ تُطفي شَمَعَك : Mot à mot : « cela éteindrait tes « bougies ». L’auteur évoque dans ce vers le point de doctrine concernant le dépôt lumineux. La création implique deux lumières, identiques en essence mais différentes en acte : celle déposée en germe en tout homme (symbolisée par l’auteur comme une bougie) et la pure Lumière Divine. Ce « dépôt lumineux » est destiné à croitre jusqu’à rejoindre et s’identifier à la Lumière d’Allah. Il peut paraître lumière ou ténèbres selon le point de vue : lumière si on se réfère à son essence, ténèbres si on constate la séparation d’avec sa source du fait de la création (ou sortie illusoire du Principe). Cet aspect est évoqué en Quran : 2, 257 : « Allah fait sortir les croyants des ténèbres (leur « bougie ») vers Sa Lumière, le tāghūt (l’illusion) fait sortir ceux qui refusent leur dépendance au Vrai, de la lumière (leur « bougie ») vers les ténèbres (du néant et de l’éloignement d’Allah). Les mécréants perdent donc ce qu’Allah a donné à tout homme lorsqu’il le crée et l’envoie en ce monde. Etymologiquement, ils « recouvrent », « cachent sous un voile », cette lumière initiale et se retrouvent dans l’obscurité. (cf. également Quran :2,17). Ces créatures « descendent » après leur descente, le croyant quant à lui fait fructifier ce capital, et « remonte » vers son Principe.
]]
3- Humilie, pour Lui, ton ego,
Avant qu’il ne te domine [[ Enseignement fondamental de la spiritualité universelle : Contre toutes apparences, l’ego (ou la tendance centripète de l’être-individu) n’est pas notre être réel, mais en donne l’illusion. Il usurpe cette réalité et retient prisonnier le Soi véritable. D’où les injonctions paradoxales :
« Qui veut sauver sa vie, la perdra »,
« Efforce toi de ne pas être (l’égo), afin qu’Il (le Soi vértable) soit (en acte) »
اجتهد ان لا تكون انت بل يكون هو
Aux termes de l’ascension, shaykh al-Alawi décrit cette « passation » :
فلم تدر من انت فكنت و لا انت و تبقى بلا انت لا قوى و لا حولا
« Tu ne sais pas qui tu es, car tu es, et ce n’est pas toi qui es, tu demeures sans « toi », pas de puissance ni de force (si ce n’est en Allah) »,…..
C’est pourquoi dans ce vers, la nafs, qui bien que nous appartenant (du fait de la présence du pronom deuxième personne suffixé au mot) est conçu comme une entité autonome, indépendante et ennemie de notre essence (exprimée par le pronom suffixé dans le verbe تَضَـعَـــكْ dont la nafs est le sujet).
]] .
4- S’Il veut ton abaissement parmi les hommes, tu le gouteras…
S’Il veut, Il t’élèvera au-dessus d’eux [[Allusion aux deux noms divins : Al-Khāfidh (Celui qui abaisse), al-Rāfi‘ (Celui qui élève). correspondants aussi aux deux aspects de « l’Heure », mentionnés dans la sourate l’Evènement (56,3) : « Celle qui abaisse» et « Celle qui élève ».]] .
5- Ne place pas ton espoir en un autre que Lui…
Ne t’abreuvera seulement que celui qui t’a semé…
6- Cherche protection auprès de Lui, soumets-toi à Lui
Ne Lui résiste point ; abandonne tes innovations [[Prétentions individuelles.]] .
7- Voici la Voie de Tāha [[Nom de l’Envoyé et lettres isolées liminaires d’une des sourates du Quran qui porte ce nom]] , suis-la!
N’accepte aucune négligence [[ Déficience, incapacité, paresse, laxisme, indolence. Racine liée aux notions de limite, bornage, restriction, abrégé, brièveté, étroitesse, raccourci….]] qui t’en écarterait.…
Kun ma‘a Allah
1. Kun ma‘a Allah, tara Allaha ma‘ak * wa-truki l-kulla wa ḥādhir ṭama‘ak
2. Nūruka Allahu, bih kun mushriqan * wa ḥdhari l-aḍdāda tuṭfī shama‘ak
3. Thumma ḍa‘ nafsaka bi-dhlli lahu * qabla anna n-nafsa qahran taḍa‘ak
4. Fī l-warā in shā’a khafḍan dhuqtahu * wa idhā shā’a ‘alayhim rafa‘ak
5. Lā tu’ammil min siwāhu amalan * innamā yasqīka man qad zara‘ak
6. Kun bihi mu‘taṣiman wa aslim laـhu * lā tu‘ānid fīhi wa- hjur bida‘ak
7. Hadihi millatu Taha, khudh bihā * lā tuṭi‘ ‘anhā quṣūran dafa‘k
Lā ilāha illā Allah Allāh Allāha, wa ṣ-ṣalāh ‘alā l-ḥabīb Rasūl Allāh.
Epilogue :
Nous tenons à remercier sidi ‘Abd Al-Malik, le Muqaddam de la voie Madaniyya à Égletons, (France), pour sa très belle traduction, et pour ses riches commentaires et explications qui rendent ce poème encore plus beau et plus édifiant. Qu’il trouve nos remerciements les plus sincères pour son dévouement. Qu’Allah nous mette accoudés, face à face, à entendre : PAIX, PAIX.
La Zawia Madaniyya, 24 décembre 2013.