La naissance du Prophète Muhammad
(sallā Allāh ‘alyhi wa-sallam)
Le Mawlid al-Nabi (Mawloud) ou la célébration de la naissance du Prophète Muhammad (sallā Allāh ‘alyhi wa-sallam) est une des plus importantes fêtes musulmanes depuis le XIe siècle (J-C). Cet événement était et est encore célébré dans toutes les contrées musulmanes ; il correspond au 12 Rabī‘ I, date généralement admise de sa Naissance. Bien que les éléments essentiels de cette célébration soient variables, ils aspirent tous à être un acte de piété visant la satisfaction d’Allāh. Cette fête est l’occasion de réunir les musulmans, pendant les séances d’invocation, où l’on psalmodie le Coran, on récite la biographie du Prophète (S.A.W.S), ses qualités et on y écoute des sermons. S’il est vrai que la commémoration de la naissance du Prophète (S.A.W.S) ne s’est pas produite telle quelle, de son vivant, les jurisconsultes se sont tous évertués à légitimer cette fête et à lui trouver des « origines » dans les Textes sacrés. Convaincus de son bien-fondé, les fuqahâ ont établi une dizaine de « preuves » que nous exposons brièvement :
1-La commémoration du Mawlid est une expression de réjouissance. Allāh n’a-t-Il pas exhorté les croyants à se réjouir de Ses grâces : « Voilà une grâce et une miséricorde de Dieu ; Que les hommes s’en réjouissent » (Jonas, v. 58). Certes, nulle miséricorde n’est plus grande que le Prophète même (S.A.W.S). Il devient dès lors licite d’exprimer sa joie pour cette « grâce offerte ». Allāh n’a-t-Il pas dit : « Nous t’avons seulement envoyé comme une miséricorde pour les mondes ». (Les Prophètes, v. 107)
2- Allāh préconise la vénération de Ses signes sacrés en disant : « Quiconque magnifie les signes sacrés de Dieu sait que leur observance fait partie de la crainte révérencielle de Dieu, contenue dans les cœurs » (Le pèlerinage, v. 32). S’il est fortement recommandable de respecter les signes d’Allāh, il est plus louable de vénérer Son Messager (S.A.W.S), Son signe le plus éloquent et le plus beau.
3- L’activité principale, pendant la cérémonie du Mawlid, est la récitation de salāt sur le Prophète (S.A.W.S) en obéissance à l’injonction divine disant : « Dieu et ses anges bénissent le Prophète ; Ô Vous les croyants ! Priez pour lui et appelez sur lui le salut » (Les factions, v. 56). Il devient dès lors louable de se réunir pour s’acquitter de cette tâche.
4- Le Mawlid est aussi une occasion pour louer Dieu ; « Quant aux bienfaits de ton Seigneur, proclame-les » (La clarté du jour, v. 11). Il est établi que nul bienfait ne vaut la création du Prophète (S.A.W.S) et son envoi, comme une miséricorde, pour les mondes.
5- Lorsqu’Allāh rapporte les récits des prophètes précédents, c’est pour affermir le cœur du Prophète (S.A.W.S): « Tous les récits, que Nous te rapportons concernant les prophètes, sont destinés à affermir ton cœur » (Houd, v. 281). De même et par voie de conséquence, la récitation de la biographie de notre Prophète est destinée à renforcer notre foi et à affermir nos cœurs. Nous en avons besoin beaucoup plus que lui.
6- Il est rapporté dans la sīra authentique que le Prophète (S.A.W.S) approuvait les poèmes élogieux, chantant sa gloire et celle de l’Islam, que composaient les poètes arabes. Pendant le Mawlid, les musulmans ne font que réciter des poèmes et des mawlidiyya-s qui suivent une même séquence : louanges à Allāh, invocations, description de la création de la Lumière muhammadienne, de ses ancêtres et de sa Naissance.
7- Dans son Livre authentique, al-Buhārī rapporte que l’oncle du Prophète (S.A.W.S), nommé Abû Lahab voit tous les lundis, son châtiment allégé. Cet allègement hebdomadaire s’explique par le fait qu’Abû Lahab a affranchi sa servante Thouwayba lorsqu’elle lui avait annoncé la bonne nouvelle de la naissance du Prophète (S.A.W.S)[[<1>Cette histoire a été rapportée par al-Bukhārī dans son Sahih (le Livre authentique de Hadith) dans le chapitre du « Mariage ». Ibn Hajar son commentateur l’a aussi rapportée ainsi que les Imām-s al-Bayhaqi, Ibn Kathir, al-Bagawī, Ibn Hicham, al-Suhayli.]]. Les savants musulmans en déduisent que si un tel infidèle, (connu pour son animosité illimitée contre l’Islam), mérite cette grâce, les croyants la mériteront a fortiori; d’autant plus qu’ils visent par la célébration du Mawlid, l’expression de leur joie et la proximité d’Allāh.
8- Un compagnon, dénommé Qatāda, questionna un jour le Prophète (S.A.W.S): « pourquoi jeûnes-tu le lundi ? ». Le Prophète (S.A.W.S) lui répondit : « C’est le jour de ma naissance, et c’est le jour où je reçus la Révélation ». Cela montre bien que le Prophète (S.A.W.S) célèbre, par le jeûne, le jour de sa Naissance.
9- Il a été rapporté que le grand-père du Prophète (S.A.W.S), ‘Abd al-Muttalib, égorgea une brebis dans la première semaine de la naissance du Prophète (S.A.W.S). Cette pratique, connue sous le nom de ‘aqīqa (le fait d’égorger un mouton à l’occasion d’une naissance) ne s’effectue qu’une fois dans la vie. Cependant, le Prophète (S.A.W.S) égorgea lui-même une brebis pour fêter sa propre naissance, quarante ans plus tard. Al-Suyûtî en déduit que cet acte est une légitimation pour toute observance visant à louer Allāh.
10- Tout ce que les Ancêtres Pieux n’ont pas fait n’est pas d’office considéré comme une innovation blâmable (bida‘). Ce terme signifie toute chose innovée après l’époque prophétique. La vie ne s’arrêtant pas après cette époque, les juristes sont unanimes sur la nécessité de juger chacun des faits historiques innovés à la lumière des cinq dispositions légales connues : le licite (halâl), l’illicite (harâm), le recommandable (mandûb), le détestable (makrûh) et le permis (mubâh). De même, on jugera les rites et cultes réalisés le jour du Mawlid en fonction de leur conformité (ou non-conformité) à ces cinq dispositions. Vue dans sa généralité, la modalité avec laquelle on célèbre le Mawlid aujourd’hui n’a pas été relevée au vivant du Prophète (S.A.W.S). Cependant, si l’on juge cette cérémonie dans ses détails, à savoir le fait de se réunir, de réciter le Coran, d’invoquer Allāh, d’offrir à manger, on constate qu’il s’agit bel et bien d’actes admis, voire même recommandables. Les générations futures n’ont fait que rassembler ces rites dans une même journée ; ce qui est considérée comme une innovation louable. C’est en effet l’avis de la majorité des savants tels que : al-Châfi‘ī, al-‘Izz Ibn ‘Abd al-Salām, al-Suyûtî…
11- La célébration du Mawlid en tant qu’expression de vénération du Prophète (S.A.W.S) est aussi reconnue par la règle disant : « Tout ce que les musulmans jugent bon, sera considéré bon auprès d’Allāh. En revanche, tout ce que les musulmans jugent désapprouvé, il l’est ainsi auprès d’Allāh ». Hormis les abus et les activités illicites condamnables, la célébration du Mawlid est jugée licite par la majorité écrasante des jurisconsultes ; elle est, du fait de cette unanimité, considérée comme un acte de piété louable.
Ce bref exposé d’arguments jurisprudentiels ne vise qu’à apaiser les esprits soucieux de se conformer aux préceptes de l’Islam, qui est en soi une attitude respectable. Or, n’oublions pas que la célébration de la naissance du Prophète (S.A.W.S) est un acte d’amour, de reconnaissance et de gratitude envers notre Bien-aimé. L’amour ne se prouve point par les arguments rationnels. Seuls les actes pieux sont à même de le prouver. Si louables soient-ils, ces actes demeurent en deçà de la grandeur de notre Prophète (S.A.W.S). On ne saurait remercier assez Celui qui s’est sacrifié pour transmettre son Message sublime.
Quant à la Zawiya Madaniyya à Ksibet al-Médiouni (en Tunisie), elle commémore la naissance du Prophète (S.A.W.S) depuis 1929 sans interruption. Pour les musulmans, c’est une belle occasion pour purifier les cœurs, affermir la foi et renforcer les liens de fraternité et d’amour en Allāh.
Que sa naissance soit, pour tous les Musulmans, une joie sincère, une bénédiction générale et une fête purifiant les cœurs et guérissant leurs maux, ô combien nombreux.